Jardinier-paysagiste, paysagiste-concepteur, maître d’oeuvre, dessinateur, installateur de bassins, reboiseur… La filière du paysage rassemble plus de 100 000 actifs aux expertises très variées, à travers la France entière. Un secteur dynamique, porté par des passionnés de nature et de création, mais qui doit renforcer son attractivité. Selon la dernière étude de l’Unep, réalisée en 2020, 58 % des entreprises du paysage déclaraient avoir rencontré des difficultés à recruter. Pour retenir l’attention des jeunes talents et des personnes en reconversion, les entreprises et collectivités redoublent d’imagination.
Malgré un large choix de formations du CAP au diplôme d’ingénieur, il manque des candidats pour les métiers du paysage dès l’école. « Notre filière manque de visibilité. Les métiers liés à la terre sont peu valorisés par les organismes et les personnes en charge de l’orientation professionnelle. C’est pour cela qu’aujourd’hui encore, les possibilités de carrière dans le secteur du paysage sont très peu connues », constate Laure Marty, chargée de développement au CFAAH-CFPPA Toulouse. Ainsi, le nombre de diplômés qui entrent chaque année sur le marché du travail ne suffit pas à combler les besoins des employeurs. « Les postes vacants sont devenus monnaie courante dans le secteur », observe Laurent Gauthier, Chef de service du Pôle Gestion des espaces verts à la Ville de Villeurbanne (69). « C’est d’autant plus vrai sur les postes très spécialisés, comme les jardiniers-élagueurs, où les candidats sont très rares. »
Un constat surprenant lorsque l’on sait que la filière paysage présente de nombreux atouts en lien avec les tendances sociétales : un lien direct avec la nature, des activités quotidiennes porteuses de sens ou encore la possibilité d’intégrer des entreprises ou des collectivités très différentes, en zone urbaine comme en zone rurale.
S’OUVRIR AUX PROFILS DIFFÉRENTS, UN PARI OSÉ QUI PORTE SES FRUITS
De plus en plus de collectivités et d’entreprises choisissent de miser sur des profils qui ne sont pas titulaires d’un diplôme orienté paysagisme, mais qui ont déjà les soft skills qui leur permettront d’acquérir les compétences techniques sur le terrain puis, à terme, de s’épanouir dans le secteur. « Les compétences peuvent toujours s’apprendre. L’essentiel, c’est de ressentir en soi un réel intérêt pour le végétal », commente Laure Marty.
Parier sur des profils atypiques mais motivés permet d’apporter des nouvelles compétences à son entreprise ou sa collectivité. « J’ai embauché une personne qui faisait une formation accélérée en alternance, après 25 années passées à travailler à l’hôpital », raconte Franck Serra, Maître-Jardinier 2021 à la tête de l’entreprise Serra Paysages. « Elle cherchait un travail avec plus de sens, qui lui permettrait de se reconnecter avec la nature. En travaillant avec elle sur des projets assez insolites, j’ai constaté qu’elle avait beaucoup de compétences en gestion client. J’ai donc créé pour elle un poste sur-mesure entre le terrain et la relation client, pour la garder après sa formation. »
La diversification de la filière a également fait naître un besoin accru en profils très spécialisés, qui ont souvent suivi un cursus scolaire éloigné du secteur paysage. Par exemple, des écologues ou des spécialistes de la gestion de l’eau issus d’écoles d’ingénieurs ou des bio-informaticiens ayant suivi des études de biologie ou de biotechnologie. Ces profils apportent souvent une nouvelle approche du métier, qui peut être une réelle ressource pour accompagner le développement d’une équipe.
PRENDRE EN COMPTE LES TENDANCES POUR ATTIRER LES PROFILS LES PLUS JEUNES
Un sondage mené en 2022 par Toluna Harris Interactive auprès de plus de 10.000 étudiants et jeunes diplômés révélait qu’ils étaient 80 % à être prêts à travailler “beaucoup” à condition de se voir confier des sujets intéressants. Il est donc essentiel aujourd’hui de proposer des postes avec des missions et/ou des champs d’application dans l’air du temps, afin de séduire de nouveaux talents.
Par exemple, les jeunes générations accordent beaucoup d’importance à l’environnement et au cadre de vie, ce qui pousse certaines tendances dans le secteur du paysage comme la végétalisation du bâti ou la végétalisation des espaces de travail. Deux expertises qui ont le vent en poupe dans les écoles et, par ricochet, dans les entreprises.
Si les entreprises ou les collectivités n’ont pas encore eu l’occasion de développer de telles compétences, elles peuvent ouvrir leurs portes aux jeunes talents en stage ou en alternance. L’objectif ? Se spécialiser petit à petit avec l’aide de personnes à la pointe des tendances.
GEN Z : DES PROCESS DE RECRUTEMENT ET D’INTÉGRATION À ADAPTER
La vision du travail de la Gen Z, qui rassemble les personnes nées entre 1997 et 2010, est très différente des générations précédentes. Cumul simultané de plusieurs activités, absence de plan de carrière, désintérêt pour le CDI, importance de la vie personnelle… Les digital natives ont d’autres priorités que leurs prédécesseurs, ce qui a tendance à désarçonner de nombreux employeurs.
Pour éviter que l’écart ne se creuse, il est important de comprendre le profil de ces nouveaux actifs pour mieux répondre à leurs attentes. Cela peut passer par exemple par l’amélioration du parcours de recrutement. Selon une étude de JobTeaser et Maki People, 70 % des 18-25 ans ont déjà abandonné une candidature en plein processus de recrutement à cause d’un délai de recrutement trop long (28 %), d’un manque de clarté (26 %) ou d’un décalage entre l’annonce et la réalité du poste (21 %).
Pour recruter sereinement et durablement ces jeunes talents, les entreprises et les collectivités doivent donc aujourd’hui adapter leurs méthodes. « Les nouveaux arrivés sur le marché du travail ont besoin de sentir que leur entreprise s’intéresse à eux et qu’elle souhaite les aider à grandir. Pour répondre à ces attentes, je ne pense pas que nous, employeurs, ayons besoin de procéder à des changements radicaux… C’est notre approche qui doit être plus humaine, plus émotionnelle », témoigne le Maître jardinier Franck Serra.
FAIRE TOUTE SA CARRIÈRE DANS LE PAYSAGISME, C’EST POSSIBLE !
Les nouvelles générations ont tendance à changer régulièrement d’employeur, de poste ou de secteur d’activité. Les profils qui ont envie d’explorer de multiples horizons peuvent trouver le bonheur dans la filière paysage. “Une entreprise privée de taille moyenne a évidemment besoin de paysagistes mais elle peut aussi intégrer des menuisiers, des maçons ou des monteurs en éclairage pour aller jusqu’au bout de ses créations”, illustre Franck Serra. Sans oublier les autres fonctions essentielles au fonctionnement d’une entreprise : service après-vente, maintenance, formation… Les collectivités territoriales permettent elles aussi d’évoluer professionnellement : “C’est possible d’entrer dans une collectivité en tant que jardinier et d’atteindre plus tard le poste de directeur ou de chef de service. Bien sûr, il faut se former et passer des concours, mais les politiques de mobilité interne permettent aux agents qui le souhaitent d’évoluer en permanence”, commente Laurent Gauthier.
LES ACTIONS “HORS LES MURS”, UN EXCELLENT LEVIER POUR MARQUER L’ESPRIT DES TALENTS
Lorsqu’un étudiant recherche un stage, une alternance ou un premier emploi, ou lorsqu’un actif cherche à changer d’employeur, ils se tournent naturellement vers les entreprises ou les collectivités qu’ils connaissent déjà. Travailler sa notoriété locale est donc essentielle pour booster sa marque employeur.
Une multitude d’actions peuvent être mises en place dans ce sens : présence aux salons professionnels ou d’orientation, organisation de journées portes ouvertes ou d’ateliers publics, participation à des concours, mise en place de partenariats avec les associations ou les centres de formation, création de réseaux… « Je participe régulièrement à des jurys d’examen. C’est un bon moyen de faire connaître ma collectivité aux futurs professionnels, mais aussi de toujours garder un contact avec les jeunes générations », déclare Laurent Gauthier.
Mises bout à bout, toutes ces actions créent une dynamique vertueuse qui facilite le recrutement. « Dès le début, j’ai eu envie d’ouvrir mon entreprise sur l’extérieur, se rappelle Franck Serra. Je suis content aujourd’hui de voir que les graines que j’ai semé ont poussé. Mon entreprise est bien identifiée localement, et donc je reçois des candidatures spontanées de façon continue. »
AU COEUR DES ÉCHANGES SUR L’EMPLOI ET LA FORMATION, LE SALON PAYSALIA REVIENT DU 5 AU 7 DÉCEMBRE À EUREXPO LYON, FRANCE
Répartis dans la France entière, les experts du paysage ont peu l’occasion de réfléchir collectivement aux enjeux de valorisation et d’attractivité de leur filière. Tous les deux ans, le salon Paysalia donne à ces professionnels mais aussi aux étudiants et personnes en reconversion l’opportunité de se rencontrer et d’échanger entre passionnés. Au programme de l’édition 2023 :
• VILLAGE EMPLOI & FORMATION :
De nombreux partenaires et entreprises se mobilisent pour conseiller et aiguiller les étudiants et les actifs en reconversion. Pour faire naître des contacts intéressants pour les candidats et pour les employeurs, des ateliers seront organisés et un grand mur de l’emploi permettra à chacun d’afficher ses offres d’emploi ou son CV (CVthèque).
• INTÉGRATION DES ÉTUDIANTS AU CONCOURS CARRÉ DES JARDINIERS :
Cette compétition phare de la filière paysage intègre chaque année des étudiants, afin de les faire grandir aux côtés de professionnels expérimentés. Chaque équipe finaliste doit compter un étudiant en formation dans ses rangs, et plusieurs étudiants sont invités à composer le “jury étudiant” Carré des jardiniers, chargé de remettre un prix coup de coeur.
• CONCOURS NATIONAL DE RECONNAISSANCES DES VÉGÉTAUX :
Afin de valoriser l’investissement et l’expertise végétale et botanique des nouveaux talents du secteur paysage, Paysalia accueille à chaque édition la finale du Concours national de reconnaissances des végétaux, organisé par VALHOR. Un événement clé pour les étudiants et les professionnels, qui sont eux aussi invités à challenger leurs connaissances.
• CYCLE DE CONFÉRENCES ET D’ATELIERS :
Le meilleur moyen d’ouvrir le dialogue autour des sujets de fond du secteur, comme les dynamiques liées à l’emploi et la formation, mais aussi des actualités et innovations liées aux métiers du paysage en France et à l’international.