Le solaire thermique en collectif fonctionne très bien et très longtemps, s’il est suivi et entretenu

Pascal Poggi pour Batimédia

Le 23 novembre 2023, nous avons visité une installation solaire thermique entretenue par Solaire Thermique France, autrement dit par John Jamet, Monsieur Solaire lui-même. Trois idées ressortent : le solaire thermique doit être suivi, le solaire thermique est très très rentable, il est financièrement soutenu par le Fonds chaleur pour les installations collectives.

Pascal Poggi pour Batimédia

Selon l’Ademe, une installation solaire thermique en collectif peut couvrir 40 à 80% des besoins d’eau chaude sanitaire annuels, dont la totalité des besoins estivaux. Ce qui permet d’arrêter la chaudière, la pompe à chaleur collective ou la sous-station de chauffage urbain en été. Doc. PP

Mais voilà, le solaire thermique a un terrible inconvénient : il est toujours accompagné d’une solution de secours – une chaufferie gaz, par exemple – qui se met en route automatiquement si l’installation solaire thermique ne suffit pas ou ne produit plus. Par conséquent, si une installation solaire thermique en collectif n’est pas suivi en temps réel, les usagers ne se plaignent pas lorsqu’elle ne produit plus : ils ont toujours de l’eau chaude. L’absence de suivi des installations et la présence d’un secours expliquent l’immense dégradations des installations solaires thermiques en collectif. Les estimations varient, mais on entend dire que 40 à 50% des installations solaires thermiques collectives fonctionnent mal. L’Ademe a d’ailleurs mis au point une solution d’audit et d’aide à la rénovation des systèmes solaires thermiques collectifs que nous détaillerons dans un prochain article.

Maintenance du solaire thermique collectif

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John Jamet est un personnage dans le solaire thermique. Très présent sur Linkedin, il travaille dans le solaire thermique depuis 15 ans. Créée en 2018, Solaire thermique France, l’entreprise qu’il dirige propose en Île-de-France des solutions clef en main de mise en service, rénovation et de maintenance de systèmes solaires thermiques collectifs. C’est le partenaire de confiance des fabricants, des installateurs et des entreprises de maintenance. Il signe également un blog très lu, sous le nom de Monsieur Solaire (https://www.maintenance-solaire.fr/blog/). Doc. Solaire thermique France

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L’installation solaire collective dans une copropriété que nous avons visitée à Paris avec John Jamet, de Solaire Thermique France, et Thomas Foll, gérant du BE SOBALT Energie, date de 2013 et comporte deux ballons de stockage de 2000 l, soit 4000 l en tout en chaufferie au sous-sol, et 70 m² de capteurs solaires thermiques en terrasse. Doc. PP

John Jamet a été appelé en 2015 parce que l’installation marchait mal. Il a effectué un diagnostic et proposé un devis pour sa réhabilitation. La copropriété a accepté son devis et commandé les travaux en 2018.

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John Jamet a commencé par remettre l’installation en eau, alors qu’elle était à l’arrêt depuis 5 ans. L’examen et l’épreuve de la remise en eau ont montré que les capteurs étaient parfaitement fonctionnels, que le réseau en cuivre était monté à l’envers, plus quelques détails de mauvais montages de sondes de température. Doc. PP

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L’installation comporte un primaire solaire avec son circulateur, un circuit secondaire en eau technique qui alimente un échangeur à plaques produisant l’ECS distribuée dans le bâtiment. Doc. PP

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20 000 € de travaux

Après 20 000 € HT de travaux, l’installation a été remise en route, équipée d’un dispositif de suivi et de compteurs d’énergie pour suivre la production de chaleur. Solaire thermique France a en effet développé un box de connexion qui contient une passerelle 4G avec une carte SIM multi-opérateurs.

Pascal Poggi pour Batimédia

Cette box capte et transmet en temps réel une cinquantaine de paramètres de fonctionnement de l’installation, dont un suivi des capteurs, du circulateur primaire solaire, des échangeurs, des températures dans les ballons de stockage, des débits de puisage d’ECS, etc. Les informations collectées sont reformatées et mises à disposition des clients – en l’occurrence le mainteneur et tous les copropriétaires – qui peuvent suivre le fonctionnement de l’installation sur une application sur leur smartphone. Doc. PP

Grâce à ce suivi, John Jamet constate un problème de puisage en avril 2000, au début de l’épidémie de COVID. L’immeuble étant partiellement inoccupé, le puisage d’eau chaude était insuffisant pour le bon fonctionnement de l’installation solaire thermique. 4000 litres sont stockés en chaufferie, il faut puiser au moins 4000 l par jour pour que l’installation fonctionne correctement. Si l’installation n’avais pas été équipée de compteurs, ce défaut de puisage n’aurait pas été décelé.

Un capteur plan vide à l’arrêt peut monter à 100°C de température. Un capteur plan plein à l’arrêt peut atteindre 200°C et dégrader le fluide. Il s’agit ici de monopropylène-glycol de qualité alimentaire. Il coûte en ce moment 215 € HT par bidon de 16 litres. Une installation comme celle-ci contient 250 à 300 l de monopropylène-glycol. S’il se dégrade – son PH doit se situer entre 8 et 9, s’il atteint 7 et en dessous, le fluide devient acide et facilite la corrosion de l’installation – et qu’il faut le remplacer, c’est cher. Si l’installation a été laissée longtemps sans surveillance et que le glycol a cristallisé et colmaté les capteurs, il faut les changer. Un capteur plan coûte environ 1000 € HT pièce : encore plus cher.

Comme toutes les installations, celle-ci est pourvue de bâches. Lors des opérations de maintenance, il faut en effet bâcher les capteurs pour travailler en toute sécurité. Alerté par la baisse de puisage d’eau chaude sanitaire, John Jamet a décidé de brider l’installation en bâchant 50% de la surface de capteurs, de manière à éviter la surchauffe et à préserver le fluide.

L’installation est suivie en temps réel (http://65ruedemeaux.maintenance-solaire.fr/). Par exemple, le 3 décembre 2023, à 12h27, la température extérieure au-dessus du bâtiment est de 1,9°C, la température de la boucle solaire primaire est de 12,6°C en sortie des capteurs solaires thermiques. La température de stockage dans le haut du second ballon solaire est de 25,4°C, nettement plus haut que l’arrivée d’eau froide à 11,7°C. Même par temps froid et couvert, la contribution de l’installation solaire n’est pas nulle.

Réchauffer la boucle d’ECS grâce au solaire

Pour rendre l’installation encore plus rentable, John Jamet a proposé à la copropriété de compléter l’installation en réchauffant la boucle de distribution d’eau chaude sanitaire par l’installation solaire. En effet, la boucle doit être maintenue à 50 – 55°C. Elle est classiquement réchauffée par la chaudière, même si le ballon solaire contient de l’eau à 80°C en partie haute.

L’idée est simple, il suffit d’installer un dispositif de réchauffage de la boucle de distribution d’ECS par le solaire. Tous les industriels qui proposent des solutions solaires thermiques collectives ont ajouté cette option à leur catalogue. Elle assure deux fonctions simultanées : elle réchauffe le retour de la boucle sanitaire et refroidit le ballon de stockage solaire.

Pascal Poggi pour Batimédia

Pour que le solaire se charge du réchauffage de la boucle d’ECS, il faut une vanne trois voies motorisée, deux sondes de température – l’un dans le haut du ballon solaire, l’autre sur le retour de boucle ECS – et un régulateur. Doc. PP

Quand la sonde du ballon solaire indique une température supérieure de 10°C à la température du retour de boucle – soit entre 60 et 65°C -, la vanne trois voies bascule sur le ballon solaire pour réchauffer le retour de boucle. Au passage, la chaudière enregistre une température de retour de boucle supérieure à 65°C et ne se met pas en route. Si la température en haut du ballon solaire est égale ou inférieure à celle du retour de boucle, la vanne trois voies bascule sur la chaudière pour réchauffer la boucle d’ECS.

Dans l’installation que nous avons visitée, cette option assure une ECS entièrement solaire d’avril à septembre. Le COP est énorme : les 49 kW de capteurs thermiques en terrasse sont mobilisés simplement en faisant tourner un circulateur de 170 W. Le réchauffage de la boucle de distribution d’ECS consomme de 30 à 50% de l’énergie utilisée pour la production d’ECS dans une installation collective. Si pendant la moitié de l’année, l’énergie consommée pour le réchauffage de boucle est gratuite, les économies financières annuelles sont significatives.

Par expérience, John Jamet constate que les capteurs solaires peuvent vivre largement plus de 20 ans, si l’installation est suivie et entretenue. Au moment où le gaz a augmenté à cause de la guerre russe en Ukraine, les installations solaires thermiques deviennent de plus en plus rentables.