DPE : gros changements pour les petites surfaces inférieures à 40 m²

Pascal Poggi pour batimédia

L’interdiction de location des logements considérés comme des passoires thermiques se rapproche. Les Pouvoirs Publics se rendent compte que le chaos guette et se lancent dans plusieurs bricolages pour diminuer le nombre de logements classés F et G au sens du DPE, qui pourraient être interdits à la location.

Selon la dernière étude de l’ONRE (Observatoire National de la Rénovation Energétique https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/media/5593/download?inline), déjà un peu ancienne puisqu’elle date de juillet 2022, sur les 30 millions de résidences principales que compte la France, il existe 5,2 logements environs classés passoires thermiques, c’est-à-dire classés F ou G au sens du DPE. Il faut y ajouter environ 500 000 logements qualifiés de super-passoires puisque leur consommation d’énergie finale est supérieure à 450 kWh/m²/an.

Pascal Poggi pour batimédia

Ce qui fait donc 5,7 millions de passoires thermiques, soit environ 19% du parc des résidences principales. Doc. PP

Le calendrier des interdictions de location des passoires thermiques

Lundi 12 février 2024, une interview de Christophe Béchu est parue dans Le Parisien, dans laquelle il rappelle le calendrier – interdiction de la location des logements de classe G au 1er janvier 2025 et de classe F au 1er janvier 2028 – et souligne sa détermination à ne pas le modifier. Il faut rester ferme. Mais, tout de même : si le rythme des rénovations s’accélère de manière fantastique, au 1er janvier 2025, il restera au moins 4,5 millions de logements qui devront être soustraits au marché de la location, puis au 1er janvier 2028, il en restera encore plus de 2 millions. Dans un contexte de pénurie de logements, est-ce bien raisonnable ? Sans doute pas, ont conclu les Pouvoirs Publics qui, du coup, se lancent dans une série de mesures hâtives.

Dans son interview, le Ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires de France depuis 2022, rappelle aussi que cette interdiction de location ne s’applique qu’au moment du renouvellement du bail : aucun locataire ne sera mis dehors au 1er janvier prochain. Mais pour les baux des logements classés G qui se terminent le 2, le 3 janvier 2025, … , l’interdiction de louer entrera en vigueur. Il reste encore des obscurités : si le locataire ne veut pas partir, étant donnée la situation tendue du marché de la location, que se passe-t-il ?

Quelques exceptions et aménagements

Christophe Béchu, puis une « conférence de presse » organisée en aveugle sur ZOOM par son cabinet mardi 13 février au soir, ont apporté quelques autres précisions. Les mots « conférence de presse » sont entre guillemets parce que ce format, où les journalistes posent leurs questions en ligne et par écrit, autorise les organisateurs à choisir les questions auxquelles ils répondent, à la grande frustration des auditeurs.

Passons et retour aux précisions apportées.

Premièrement, si le logement est loué et que le locataire ne veut pas l’évacuer pendant le temps nécessaire pour effectuer les travaux, le propriétaire est déchargé de son obligation de rénovation énergétique.

Deuxièmement, s’il s’agit d’un appartement en copropriété et si la copropriété vote des travaux collectifs d’amélioration de l’efficacité énergétique du bâtiment, l’obligation de rénovation individuelle de son logement par le propriétaire est suspendue pendant deux ans, le temps que se déroulent les travaux collectifs. A l’issue de ces travaux, l’étiquette du logement devient celle calculée à partir des travaux collectifs. Probablement, si le logement n’est alors toujours pas classé au moins D, que le propriétaire doive agir.

Troisièmement, en copropriété toujours, si les travaux nécessaires à l’amélioration du score d’un logement sont des travaux privatifs, mais que la copropriété doit les autoriser et les refuse, le propriétaire est déchargé de son obligation de rénovation.

Réforme du DPE pour les logements < 40m²

L’annonce la plus frappante, cependant, concerne les petits logements d’une surface inférieure à 40 m². Le Ministre annonce qu’un arrêté, qui devrait être mis en consultation cette semaine, donc avant le 18 février, réformera le calcul du DPE pour les logements de moins de 40 m². La raison invoquée est que les consommations d’eau chaude sanitaire ne sont pas proportionnelle à la surface des logements : 4 personnes dans 40 m² consomment autant d’eau chaude que 4 personnes dans 30 m². Ce qui pénalise donc les petites surfaces.

Plusieurs réflexions viennent à l’esprit. Le DPE est rapporté aux m², donc cet effet était prévisible depuis le départ. Le DPE a été réformé en 2021, n’était-ce pas le bon moment pour y penser ? L’arrêté qu’annonçait le ministre n’est pas encore disponible le 13 février, donc la méthode retenue pour compenser ce biais en défaveur des petites surfaces n’est pas encore connue. Le ministre et son cabinet ont cependant évoqué un changement des seuils, mais seulement pour les petits logements. Nous aurions donc deux échelles de classes du DPE, l’une pour les logements de moins de 40 m², l’autre pour les logements > 40 m², par exemple. Soit deux ensembles de classes au lieu d’un seul auparavant.

Pour l’instant un logement F se situe entre 331 et 420 kWh/m²/an et entre 71 et 100 kgCO2/m²/an, tandis qu’un logement G affiche une consommation ≥ 421 kWh/m²/an et un bilan CO2 ≥ 101 kgCO2/m²/an. Nous verrons bientôt, ce que dit l’arrêté, dont on nous promet la mise en consultation incessante.

Le site de l’observatoire des DPE géré par l’ADEME précise : « Cette attestation prendra appui sur le DPE réalisé. Elle se bornera à tirer les conséquences des changements des valeurs seuils qui entreront en vigueur le 1er juillet 2024, et ne remet pas en cause les travaux et calculs du DPE dont elle remplace l’étiquette. Elle aura la même durée de validité que son DPE initial. L’évolution des étiquettes DPE pour les logements de moins de 40m² conduira systématiquement à une étiquette identique ou meilleure. »

Le simulateur DPE de l’ADEME

M. Béchu a aussi annoncé la mise à disposition en ligne par l’ADEME, d’un simulateur de DPE pour les petits logements. Il est accessible à l’adresse https://observatoire-dpe-audit.ademe.fr/accueil depuis mardi 13 février, dans la rubrique « Trouver un DPE ou un AUDIT ».

Pascal Poggi pour batimédia

Ce simulateur est destiné à permettre aux propriétaires d’un logement < 40 m², qui ont déjà fait réaliser un DPE, d’obtenir en ligne une nouvelle évaluation, puis une attestation de cette évaluation valant nouvelle étiquette de DPE. Doc. ADEME

Ce simulateur en ligne, qui utilise la nouvelle grille de classes du DPE que l’on ne connaît pas puisque l’arrêté n’est pas disponible, est opérationnelle depuis le 13 février. Il faut juste disposer d’un numéro de DPE ou d’audit pour y accéder.

L’obtention de l’attestation valant nouvelle étiquette DPE ne sera, quant à elle, accessible qu’à partir du 1er juillet 2024.

Le cabinet de Christophe Béchu estime que cette procédure devrait sortir 140 000 logements du statut de passoire thermique, soit 80 000 qui passeraient de G à au moins D et 60 000 qui passeraient de F à D ou mieux. 140 000 passoires thermiques sur 5,7 millions c’est toujours ça de pris. Mais ça ne suffit pas.

Une réforme en deux temps

C’est sans doute pourquoi Bruno Lemaire dont dépend désormais l’énergie a annoncé son intention, d’une part, de réformer la méthode de calcul du DPE, d’autre part, de revoir le coefficient de transformation de l’électricité en énergie primaire, qui, selon lui, désavantage l’électricité par rapport au gaz. Les petits logements sont de manière disproportionnée chauffés par des radiateurs et convecteurs électrique. Abaisser la valeur de l’électricité en énergie primaire, pourrait en faire sortir un nombre significatif de l’état infâmant de passoire thermique.

Pascal Poggi pour batimédia

Et hop, voici une réforme en deux temps : augmentation des seuils et plafonds des classes du DPE pour les logements de moins de 40 m², réduction de l’expression des kWh électriques en énergie primaire. Tout ça permettant, peut-être, de rester ferme sur le calendrier d’interdiction de louer des passoires thermiques ! doc. PP

Le 15 février, à l’issue d’une réunion avec la FFB et la CAPEB Christophe Béchu et Guillaume Kasbarian, le nouveau ministre du logement, pourraient annoncer une « simplification » de MaPrimeRénov’ version janvier 2024. Ils ont déjà laissé filtrer le fait que la qualification RGE pourrait devenir gratuite pour les artisans et les entreprises. Attendons.