Énergies & Avenir est l’association de la filière des professionnels du chauffage à eau chaude. Elle regroupe l’ensemble des professions de la filière du chauffage à eau chaude – fournisseurs d’énergies, organisations professionnelles du bâtiment, de l’exploitation maintenance et entretien, fabricants et distributeurs d’équipement – tous convaincus de la nécessité du développement du chauffage durable.
Tout au long des travaux préparatoires de cette réglementation, Énergies & Avenir a alerté les pouvoirs publics sur les incohérences de la nouvelle RE2020 et sur ses conséquences sous-estimées qui excluent de nombreux équipements et solutions performants du chauffage à eau chaude. Pourtant, ces équipements sont issus d’une filière majoritairement « made in France » dont il ne faut négliger ni les 300 000 emplois, ni les 86 sites de production en France.
Les membres de l’association s’inquiètent à présent du calendrier de mise en application de cette nouvelle réglementation et des instabilités juridiques induites. Alors que les modalités d’une clause de revoyure « en amont des prochaines échéances de la réglementation afin de réexaminer la pertinence et d’éventuellement revoir certains choix méthodologiques et niveaux d’exigence », n’ont pas encore été détaillées, Énergies & Avenir craint que la présente consultation du Plan Bâtiment Durable ne s’appuie donc sur des fondations mouvantes. Cette incertitude quant à l’application et aux échéances de la réglementation est de nature à pénaliser les professionnels du bâtiments que représente Énergies & Avenir, et donc à freiner la transition énergétique dont ils sont les premiers relais.
En ce sens, Énergies & Avenir plaide pour plus de stabilité et de sécurité réglementaire. Ses membres souhaiteraient par ailleurs rappeler certaines de leurs propositions formulées précédemment, convaincues qu’elles sont en faveur d’un approfondissement de la réglementation et de futurs bâtiments neufs plus performants. Ces propositions concourent donc aux travaux du Plan Bâtiment Durable pour un label qui « éclaire la route au-delà de la RE2020 ».
Ces propositions sont de trois ordres :
• Fonder les outils de calcul de la performance de la construction neuve sur des facteurs révisés périodiquement, qui prennent justement en compte le mix électrique et énergétique ;
• Favoriser le développement des équipements les plus performants et à même de développer les systèmes hybrides et les ENR ;
• Prendre davantage en compte les innovations des industriels.
La note ci-après détaille ces propositions et explique en quoi elles permettent de corriger les trajectoires de la RE2020, tout en favorisant la construction de bâtiments neufs performants.
Les propositions de l’association
L’association propose plusieurs alternatives pour rectifier la trajectoire de la RE2020 :
1/ Adopter des valeurs réalistes concernant le coefficient de conversion de l’électricité en énergie primaire et le contenu carbone du chauffage électrique ;
2/ Inscrire la réforme dans une trajectoire beaucoup plus progressive et réaliste de réduction des émissions de carbone des bâtiments :
• Pour les maisons individuelles : 7 kgCO2eq/mÇ.an en 2021 (au lieu de 4), 6 kgCO2eq/mÇ.an en 2024 et 4 kgCO2eq/mÇ.an en 2030 ;
• Pour les immeubles collectifs : 10 kgCO2eq/mÇ.an en 2024 (au lieu de 6) et 6 kgCO2eq/mÇ.an en 2030 ;
Ces trajectoires d’émissions carbone sont de nature à permettre une performance significativement meilleure par
rapport à la précédente réglementation RT2012, en assurant notamment une réduction de l’ordre de 50% pour la maison individuelle dès 2021, et de 30% en 2024 pour le logement collectif. Elles permettent aussi de conserver des équipements performants, comme les chaudières à très haute performance énergétique, qui fonctionnent aujourd’hui au gaz et demain pourront être les vecteurs du développement de la chaleur renouvelable.
3/ Prendre davantage en compte la place des équipements hybrides et toutes les solutions qui contribuent au développement de la chaleur renouvelable à travers des boucles d’eau chaude à la taille d’un bâtiment ou d’un quartier.
4/ Renouveler tous les titres V issus de la RT2012
Des facteurs qui ne représentent pas la réalité du mix électrique
En premier lieu, il convient de rappeler que la RE2020 est fondée sur des facteurs qui ne représentent pas la réalité du mix électrique. En effet, la révision du coefficient de conversion de l’électricité en énergie primaire (Pef) de 2,58 à 2,3 est artificielle et constitue un blanc-seing pour le chauffage direct à effet Joule. Séduisant du fait de son faible coût d’investissement, le convecteur électrique est pourtant le système de chauffage le moins performant du marché malgré certains efforts en matière de confort. Énergies & Avenir a toujours milité en faveur d’un Pef réévalué tous les cinq ans, calculé selon le mix électrique à n-1.
Idem, la révision du contenu carbone du chauffage électrique est factice. Ce facteur a été divisé par trois, en passant de 210 gCO2/kWh à 79 gCO2/kWh sans que ce calcul ne soit justifié par un changement significatif dans la production d’électricité.
Une réglementation qui exclut les équipements de la boucle à eau chaude, pourtant parmi les plus performants
L’association Énergies & Avenir a toujours oeuvré en faveur de la performance énergétique et de la réduction des consommations, quelle que soit l’énergie employée.
Toutefois, l’association souhaite alerter les pouvoirs publics sur les conséquences de cette réglementation dont les orientations fortes en faveur de la décarbonation fragilisent toute une filière, bien au-delà du secteur gazier. Parmi les dégâts collatéraux et les angles morts de la future réglementation, l’association signale notamment :
1/ Une électrification massive du chauffage – or il est faux de penser que l’électricité soit 100% décarbonée en France alors qu’au contraire la réponse apportée aux pointes hivernales rappelle à quel point l’électricité carbonée de nos voisins nous est nécessaire ;
2/ Une exclusion de fait des équipements de la boucle à eau chaude, comme les chaudières très haute performance énergétique, les pompes à chaleur hybrides, les systèmes solaires thermiques et les pompes à chaleur air/eau triple service susceptibles de faire du rafraichissement pour le plus grand confort des utilisateurs – or ces équipements sont issus d’une filière majoritairement « made in France » dont il ne faut négliger ni les 300 000 emplois, ni les 86 sites de production ;
3/ Une absence totale de solution en logements collectifs – à l’heure actuelle, aucune solution viable n’est disponible pour remplacer les chaufferies collectives au gaz naturel ;
4/ Une exclusion, en raison des seuils d’EGES1 Energie annoncés, d’une grande partie des réseaux de chaleur, pourtant considérés comme meilleurs vecteurs des EnR&R2 locales.
Une nécessaire prise en compte des innovations des industriels
Enfin, les professionnels d’Énergies & Avenir rappellent que plusieurs questions fondamentales restent en suspens depuis plusieurs mois, malgré leurs sollicitations, notamment concernant le renouvellement des Titres V issus de la RT2012. Ces Titres V ont été financés par les industriels pour développer de nouvelles solutions performantes qui n’existaient pas sur le marché lors de la conclusion de la RT2012. Il est juste et primordial que ces titres soient renouvelés au sein de la RE2020.
1 EGES : Indicateur des émissions de Gaz à Effet de Serre sur l’ensemble du cycle de vie
2 EnR&R : énergies renouvelables et de récupération