Le salon Hyvolution l’a clairement montré : l’essentiel des efforts de développements de l’hydrogène s’adresse avant tout à la mobilité décarbonée.
Le Français Hyvia a été créé par Renault et l’américain Plug pour proposer des solutions de mobilité hydrogène à partir de piles à combustible. Il fournit également des stations de recherche en hydrogène.
Le salon Hyvolution, qui s’est tenu Porte de Versailles à Paris, les 1er et 2 février, a mis en scène le développement de la filière hydrogène. Largement plus de la moitié des exposants étaient focalisés sur la mobilité hydrogène. Pratiquement, cela se traduit par trois types d’exposants : ceux qui développent des moteurs et des piles à combustible à hydrogène, ceux qui embarquent ces moteurs et piles à combustible dans des véhicules divers et enfin, ceux qui conçoivent et déploient des stations de recharge pour véhicules fonctionnant à l’hydrogène.
Moteur ou pile à combustible ?
La mobilité hydrogène fait appel soit à un moteur à combustion interne à hydrogène, soit à une pile à combustible. Bien que le développement de moteurs à hydrogène à partir de moteurs diesel semble relativement simple, ce n’est pas la tendance principale. Un moteur à combustion interne à hydrogène produit de l’eau et, s’il est mal réglé, des Nox. Les Nox, qui contribuent aux pluies acides, apparaissent en combinaison avec l’azote de l’air si la température de combustion dépasse 1200°C.
L’italien NGV Powertrain développe des moteurs à hydrogène, mais aussi des moteurs à gaz, biogaz, e-méthanol, etc. Celui-ci, ci-dessus, un V8, est destiné aux camions et engins de chantier.
Pour sa part, ci-dessous, le groupe italien Punch a converti le moteur diesel Duramax 6.6L V8 de General Motors pour fonctionner à l’hydrogène. Il est lui-aussi destiné aux camions et engins.
Les piles à combustible, quant à elles, fonctionnent à l’inverse de l’électrolyse : alimentées en H2 et en oxygène (l’oxygène de l’air suffit), elles produisent de la chaleur, de l’électricité et de l’eau. Les piles à combustibles sont constituées d’un empilement (pile en anglais) de plaques. Les véhicules à hydrogène disponibles aujourd’hui sont plutôt équipés de piles à combustible qui produisent de l’électricité et entraînent un ou plusieurs moteurs électriques.
L’américain Plug, ex-Plug Power, a commencé par la conception et la fabrication de piles à combustibles, avant de se lancer dans les électrolyseurs, notamment utilisés par le français Lhyfe, et dans la fourniture de stations complètes de liquéfaction d’hydrogène. Plug a créé Hyvia à 50% avec Air Liquide. L’entreprise étudie avec Lhyfe la mise au point de solutions complètes de production, stockage d’hydrogène et production d’électricité, notamment en secours électrique pour des data centers.
Le français Pragma développe une pile à combustible spécifique pour un drone électrique conçu par Delair.
Détenu à part égale par Faurecia – devenu Forvia après une prise de participation de plus de 80% dans l’équipementier automobile Hella – et Michelin, Symbio conçoit et fabrique des piles à combustible pour véhicules légers et lourds, les StackPacks. Le principal client de Symbio est le groupe Stellantis (Abarth, Alfa-Romeo, Citroën, Chrysler, Dodge, Fiat, Jeep, Lancia, Maserati, Opel, Peugeot, …). Symbio ambitionne de fabriquer 200 000 piles à combustible par an d’ici 2024 et construit pour cela une gigafactory, baptisée SymphonHy, à Saint-Fons dans le Rhône.
Quels véhicules à hydrogène ?
Au salon Hyvolution à Paris, les seuls véhicules à hydrogène exposés étaient des fourgonnettes et des camions. Nous en sommes en effet au tout début du développement des véhicules à hydrogène. Selon l’association France Hydrogène www.france-hydrogene.org qui rassemble les acteurs de la filière H2, il existait fin 2022, seulement 58 stations de distribution d’hydrogène en France, desservant un maigre total de 1155 véhicules, dont 33 bus, 240 bicyclettes, 1 benne à ordures, 550 voitures, 325 chariots élévateurs et 3 camions. Côté fourgons, on trouvait deux approches différentes à Hyvolution.
Premièrement, Hyvia fabrique pour l’instant des fourgons à hydrogène commercialisés depuis le début 2023. Le prix demeure un mystère ? Ce Master assure des émissions nulles, plus de 400 km d’autonomie (cycle WLTC), 5 mn de temps de recharge à une station hydrogène, 12 m3 de volume et 1,80 m de hauteur dans la zone de chargement. Le Master Van H2-TECH contient une pile à combustible Plug de 30 kW et quatre réservoirs sous 700 bar de pression qui stockent 6,4 kg de H2. Il possède un moteur électrique de 57 kW, alimenté par une batterie de 33 kWh. Elle-même alimentée par la pile à combustible. La batterie seule assure 100 km d’autonomie.
Côté camions, le français hyliko a été créé en 2021 par le fonds d’investissement Kouros, lui-même né en 2016, avec une promesse : hyliko propose un service de décarbonation des flottes comprenant le leasing et la maintenance complète des camions hydrogène, la fourniture de l’hydrogène carburant, la gestion de l’empreinte carbone et l’intégration à la comptabilité carbone. Un camion diesel, c’est 1,2 kilo de CO2 émis dans l’atmosphère à chaque kilomètre parcouru, 1 camion hyliko, c’est 1,5 kilo de CO2 retiré de l’atmosphère à chaque kilomètre parcouru. 1 camion Hyliko remplace 1 camion diesel et compense les émissions d’un second camion diesel. Avec seulement 45 % de camions Hyliko, une flotte devient neutre en carbone. Hyliko s’est associé avec une série de partenaires pour produire ses véhicules : les piles à combustible sont fournies par GreenGT. Issue de l’école Polytechnique Fédérale de Lausanne, GreenGT développe des systèmes de propulsion H2 et électriques. Deux piles à combustible d’une puissance totale de 160 kWe équipent le tracteur hyliko de 44 t. Il embarque également un réservoir de 40 kg de H2 conçu et fabriqué par Plastic Omnium et des batteries Forsee Power de 60 kWh au total. L’ensemble fournit une puissance moteur de 350 kW, soit un peu plus de 469 CV. Avec un réservoir à 350 bar de pression, l’autonomie atteint 400 km et monte à 900 km avec un réservoir à 700 bar.
Hyliko présentait à Hyvolution ses premiers camions H2 : un porteur 19t remorquant 44t et un tracteur 44t basés sur une architecture modulaire centrée sur un groupe motopropulseur hydrogène développé conjointement avec GreenGT.
Le français e-Néo vise un autre marché : celui de la conversion H2 et électriques de poids lourds existants. Il pratique le retrofit, comme on dit, pour « décarboner les mobilités lourdes ». L’entreprise estime avoir joué un rôle prépondérant dans l’évolution de la réglementation française sur la conversion de véhicules thermiques en véhicules électriques. Ses solutions visent à prolonger la vie des véhicules en leur implantant une motorisation électrique alimentée par batteries (BEV) ou un couplage de batteries et pile à combustible hydrogène (FCEV). E-Néo a converti un tracteur agricole en tracteur à hydrogène pour les besoins de l’entreprise de TP Charier, qui l’utilise sur le port de La Turballe. Lhyfe fournit l’hydrogène à Charier.
Créé en 2019 en Vendée, e-Néo exposait à Hyvolution une solution entièrement vendéenne : camion transformé par ses soins, hydrogène vert fabriqué en Vendée et livré par Lhyfe. Les piles à combustible sont fournies par Plug. e-Néo vise une transformation de 250 véhicules lourds par an dès 2025, puis un rythme de croisière de 750 par an. e-Néo commence par des porteurs Renault et des tracteurs de 19 t, mais travaille à un porteur de 12 t pour des livraisons en ville.
Distribuer l’hydrogène
Le développement de l’hydrogène est aussi un problème du type poule et œuf. Pour faire fonctionner des véhicules à hydrogène, il faut des stations de ravitaillement en hydrogène. Pour construire des stations à hydrogène, il faut leur assurer un marché et développer les véhicules à hydrogène. Les acteurs du monde de l’hydrogène l’ont bien compris. L’association France Hydrogène envisage un réseau de 212 stations à hydrogène en 2026, contre 58 début 2023, et jusqu’à 1000 stations en 2030, dont 170 pour les poids lourds et 747 pour les utilitaires et les véhicules légers. Air Liquide et TotalEnergies ont annoncé qu’ils allaient créer une-co-entreprise pour développer un réseau d’une centaine de stations h2 pour ravitailler les poids lourds sur les grands axes européens.
En attendant, au salon Hyvolution, on voyait une multiplication d’offre de stations H2. La plupart des offres débordent le simple ravitaillement en H2 et englobe, l’approvisionnement de la station en H2 et vont parfois jusqu’à la fourniture des véhicules. Watéa by Michelin a, par exemple, été lauréat de l’appel à projets « Ecosystèmes territoriaux hydrogène ». Hyvia, e-Néo et les autres offreurs de véhicules H2 proposent également des solutions de ravitaillement. Dès cette année, Hyvia fabriquera des stations de ravitaillement H2 sur le site de l’usine Renault de Flins. Sur le même site, Hyvia assemblera les piles à combustibles Plug destinées aux utilitaires Master. L’entreprise a installé un électrolyseur de 1 MW poru produire sur site l’hydrogène destiné au test de ces piles à combustible et des nouvelles stations de ravitaillement en H2.
Au salon Hyvolution, Watèa by Michelin expliquait comment l’entreprise allait coordonner la mise en œuvre d’une solution de mobilité hydrogène auprès des professionnels qui veulent équiper leurs flottes de véhicules utilitaires hydrogènes et les faire bénéficier d’une aide de 13,6 millions € accordée par l’ADEME, avec son partenaire financier Crédit Agricole Leasing & Factoring. Cette offre sera lancée dès cette année.
Dover Fueling Solution proposait à Hyvolution plusieurs modèles de stations de ravitaillement H2. Modulaires, elles autorisent deux chargements simultanés. Elles sont connectées en Sigfox ou LoRaWan, à la fois pour un suivi de leur fonctionnement, une maintenance préventive et le déclenchement d’un réapprovisionnement.
Allant plus loin que la simple station de ravitaillement H2, le français Elogen montrait à Hyvolution des stations H2 complètes avec production d’hydrogène sur site, stockage, compression, refroidissement. Elles reposent sur sa technologie d’électrolyseurs PEM (Protons Exchange Membranes). Son usine aux Ulis a une capacité de production annuelle de 160 MW. Mais Elogen construit à Vendôme, une nouvelle usine de plus de 1 GW de capacité annuelle. Sa mise en service est prévue en 2025.