Révision du Règlement F-Gaz : c’est fait !

Pascal Poggi pour Batimedia

Le 29 Janvier 2024, le Conseil de l’Europe a adopté la révision du Règlement Européen F-Gaz pour limiter l’emploi de substances contribuant à l’effet de serre, ainsi qu’une révision du Règlement Ozone datant de 2009 pour réduire encore les gaz qui participent à diminution de la couche d’ozone.

Le nouveau Règlement F-Gaz pèse 179 pages (https://data.consilium.europa.eu/doc/document/PE-60-2023-INIT/en/pdf). Dire que nous avons tout lu serait exagéré : c’est un processus. Le texte sur les substances qui appauvrissent la couche d’ozone se trouve ici : https://data.consilium.europa.eu/doc/document/PE-61-2023-INIT/en/pdf. En revanche, la procédure d’adoption définitive du nouveau règlement F-gaz est désormais très claire : le Conseil de l’Europe, le Parlement Européen et la Commission ont adopté le texte dans les mêmes termes. Il sera publié au Journal Officiel des Communautés Européennes et entrera en vigueur 20 jours après sa publication. Au Conseil de l’Europe, qui rassemble les gouvernements des 27 pays membres, 24 pays ont voté en faveur de la révision du règlement F-Gaz, dont la France, deux se sont abstenus – la République Tchèque et l’Italie – en émettant des réserves. Un seul, la Hongrie, a voté contre. Les explications du vote de la Hongrie sont disponibles seulement en Hongrois (https://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-5599-2024-ADD-1/x/pdf), ce qui ne facilite pas leur compréhension. Deuxième point parfaitement clair à la lecture du texte : sa portée dépasse largement le monde de la climatisation et de la thermodynamique et touche même les activités de rénovation et d’entretien du bâtiment.

GWP calculé sur 100 ans et sur 20 ans

Selon le troisième considérant du nouveau règlement F-Gaz, sa version datant de 2014 a conduit à une baisse régulière, année après année, des émissions de gaz fluorés à effet de serre, notant une baisse de 37% en tonne métriques et de 47% en tonnes équivalent CO2 entre 2015 et 2019. Le même considérant note un net mouvement vers l’emploi de réfrigérants naturels, dont l’air, le CO2, l’ammoniaque, les hydrocarbures (R290, R600) et l’eau. Le but, toutefois, demeure une baisse de 90% d’ici 2050, par comparaison avec 2015.

Le considérant n°7 aborde la question des PFAS, soulignant qu’il vaut mieux utiliser des gaz à faible GWP qui ne se dégradent pas en PFAS dans l’atmosphère, et rappelant que depuis 2023, une proposition de restriction de la fabrication, de mise sur le marché et d’emploi des gaz se dégradant en PFAS a été soumise à l’ECHA (European Chemical Agency) et fait son chemin.

Le 8ème considérant souligne que le GWP (Global Warming Potential ou PRG pour Pouvoir de Réchauffement Global) des réfrigérants doit être calculé sur 100 ans, mais comme il y a urgence à réduire le réchauffement de l’atmosphère, le GWP calculé sur 20 ans – et nettement plus frappant – doit être utilisé quand il est disponible. L’annexe 1 du règlement F-Gaz contient d’ailleurs une liste des fluides HFC avec leur GWP calculé sur 100 ans et sur 20 ans. Pour le R32, par exemple, le GWP sur 100 ans n’est que de 675, mais il atteint 2 690 sur 20 ans.

Les dispositions qui concernent le bâtiment

A compter du 1er janvier 2025, toute dépose d’isolant thermique ou d’autres matières contenant des gaz fluorés (listés dans l’annexe 1 et la section 1 de l’annexe 2 du nouveau règlement) doit conduire à la destruction de ces gaz et être exécutée par des personnes qualifiées. S’il n’est pas possible de déposer correctement ces composants, le propriétaire du bâtiment ou l’entreprise devra rédiger un document expliquant cette impossibilité, conserver ce document durant 5 ans et le rendre disponible à la demande durant cette période.

A compter du 31 décembre 2027, les Etats Membres devront avoir mis sur pied une solution de financement de la récupération et de la destruction des gaz fluorés contenus dans les matériaux et dans des équipements., notamment les équipements électriques et électroniques.

Au plus tard deux ans après l’entrée en vigueur du nouveau règlement F-Gaz, la Commission Européenne doit établir les compétences minimales nécessaires pour collecter et détruire les gaz fluorés contenus dans les équipements et matériaux, ainsi que les critères de certification de ces compétences.

A compter du 1er janvier 2027, tous les équipements contenant des gaz fluorés doivent porter une étiquette indiquant :

– que l’équipement contient un gaz fluoré,

– la désignation de ce gaz (R410A, R32, …),

– la quantité de gaz fluorés à la fois en poids et en équivalent CO2 contenu dans l’équipement et le GWP de ce gaz.

En cas de rénovation de l’équipement et de rétrofit avec un autre gaz, l’étiquette doit être modifiée.

Les interdictions

L’emploi d’un gaz dont le GWP est égal ou supérieur à 2500 est interdit pour la maintenance et l’entretien d’équipements de réfrigération dont la charge atteint ou dépasse 40 tCO2eq. A compter du 1er janvier 2025, l’interdiction s’applique à tous les équipements, quelle que soit leur charge, sauf pour les équipements destinés à refroidir des produits à des températures inférieures à -50°C.

Cette interdiction s’appliquera à compter du 1er janvier 2030 aux gaz recyclés dont le GWP ≥ 2500.

A compter du 1er janvier 2026, l’emploi de gaz dont le GWP ≥ 2500 est interdit pour la maintenance et l’entretien des pompes à chaleur et des systèmes de climatisation, sauf s’il s’agit de gaz recyclé.

A partir du 1er janvier 2032, l’emploi de gaz avec GWP ≥ 750 est interdit pour la maintenance et l’entretien d’équipement de réfrigération stationnaire, à l’exception des groupes de production d’eau glacée (chillers), sauf s’il s’agit de gaz recyclés.

Production et mise sur le marché des HFC

La production de HFC est autorisée par les producteurs ayant reçu des quotas de production. Ces quotas seront alloués par la commission d’ici le 1er janvier 2025, sur la base des productions déclarées au titre de l’année 2022. Ces quotas seront révisés tous les 3 ans.

Pascal Poggi pour Batimedia

De même, la mise sur le marché de HFC est subordonnée à l’allocation de quotas par la Commission. Doc. PP

Les émissions de HFC durant la production seront considérées comme une mise sur le marché durant l’année où elles se produisent. Les quotas de mise sur le marché seront alloués par la Commission d’ici le 31 Octobre 2024, à partir des quantités mises sur le marché par chaque acteur durant les trois années précédentes. Ces quotas de production et de mise sur le marché seront payants au prix de 3 €/TonneCO2eq. Les metteurs sur le marché et les producteurs peuvent choisir de ne pas payer la totalité du quota qui leur est alloué, leur allocation devient alors la partie qu’ils ont effectivement payée. Le reste sera annulé et non redistribué. Les équipements préchargés entrent dans le quota, leurs metteurs sur le marché (fabricants et importateurs) doivent disposer du quota adéquat. Enfin, tous les gaz fluorés importés dans l’Union Européenne seront considérés comme des gaz vierges.

Les interdictions équipement par équipement

L’article 11 du nouveau règlement pose des interdictions de principe, elles sont précisées dans l’Annexe IV, page 152 et suivantes.

Pour la réfrigération stationnaire :

– plus de HFC dans les frigos domestiques à partir du 1er janvier 2025,

– plus de fluides dont le GWP ≥ 150 dans les équipements de réfrigération commerciale à compter du 1er janvier 2025, sauf dans les chillers,

– plus de fluides dont le GWP ≥ 150 dans les chillers jusqu’à 12 kW à partir du 1er janvier 2027,

– plus de fluides dont le GWP ≥ 750 dans les chillers >12 kW à partir du 1er janvier 2027,

– plus de fluides fluorés dans les chillers jusqu’à 12 kW à partir du 1er janvier 2032.

– Plus de fluide dont le GWP ≥ 150 dans les pompes à chaleur et les équipements monoblocs de climatisation jusqu’à 12 kW à compter du 1er janvier 2027, sauf si c’est dangereux, auquel cas la milite est portée à un GWP de 750.

Pascal Poggi pour Batimedia

Les jours du R32 sont comptés. Doc. PP

– Pour les équipements ci-dessus, interdiction des fluides fluorés à compter du 1er janvier 2032.

– Pour les équipements ci-dessus d’une puissance comprise entre 12 et 50 kW, interdiction des gaz fluorés dont le GWP ≥ 150 à compter du 1er janvier 2027, sauf si c’est dangereux, auquel cas la limite est portée à 750.

– Interdiction des gaz fluorés dont le GWP ≥ 150 dans tous les autres équipements de climatisation et pompes à chaleur monoblocs à partir du 1er janvier 2030, toujours sauf si c’est dangereux auquel cas la limite passe à 750.

– pour les systèmes de climatisation monosplit contenant moins de 3 kg de gaz fluorés, limitation du GWP à 750 au 1er janvier 2025. Le R32 (675) demeure, le R410a (2100) disparaît dans 11 mois.

– les pompes à chaleur air/eau split, donc avec liaison en fluide entre l’unité extérieure et l’unité intérieure, de 12 kW ou moins, limitation du GWP à moins de 150 à partir du 1er janvier 2027 : plus de pac R32 en split à cette date.

– systèmes air/air de 12 kW ou moins, limitation du GWP à moins de 150 au 1er janvier 2029. Pour l’instant, les fabricants n’ont pas dévoilé de fluide capable de remplacer le R32 dans cet emploi, sauf certains fabricants asiatiques, dont Haier, qui présentent déjà des multisplits air/air au R290.

– Pour tous les splits jusqu’à 12 kW, plus de gaz fluorés à compter du 1er janvier 2035.

– Pour tous les splits de plus de 12 kW, limitation du GWP à moins de 750 à partir du 1er janvier 2029.

– pour la catégorie ci-dessus – splits de plus de 12 kW – limitation du GWP à moins de 150 à partir du 1er janvier 2033.

Baisse des quotas de mise sur le marché

En partant d’une base de 178 700 479 tonnesCO2eq de HFC en 2015, le nouveau règlement F-gaz prévoit neuf périodes de décroissance, de 2025 – 2026 avec 23,99 % du quota initial, à 2048 -2049 avec 2,35 du quota initial, avant d’arriver à 0 en 2050.

Comme le montre le tableau ci-dessous, la baisse des quotas est particulièrement rapide jusqu’à la troisième période. Ce sont des quotas globaux, exprimés en tCO2eq : les fluides à fort GWP nécessaires pour la maintenance des systèmes existant, comme le R410a (2100), le R134a (1430), le R407C (1800) vont consommer une part importante de ce quota, jusqu’au moment de leur interdiction en maintenance.

Pascal Poggi pour Batimedia

Il faut maintenant laisser un peu de temps aux industriels pour annoncer leur stratégie. Ceux de la détente directe qui fabriquent et commercialisent de grands systèmes à détente directe comme les DRV, à destinations des bureaux et de l’hôtellerie, vont peut-être amorcer un retour vers les solutions à eau glacée.