Kompozite, la plateforme digitale d’aide à la conception de bâtiments bas carbone

Kompozite, start-up française engagée dans la transition vers le bâtiment durable

Contexte

Avec plus de 30% des émissions nationales de gaz à effet de serre et près de la moitié des consommations d’énergie finale, le secteur du Bâtiment est l’un des plus gros contributeurs au réchauffement climatique.

L’État français, avec l’aide des acteurs du secteur, a élaboré une norme inédite pour prendre en compte non seulement les consommations d’énergie du bâtiment, mais aussi les émissions de carbone, y compris celles liées à la phase de construction.

Cette réglementation environnementale, la RE2020 (1), s’applique aux logements neufs français depuis le 1er janvier 2022. Elle impose aux acteurs :

• de quantifier l’impact carbone de leurs constructions dès la phase de conception, par la méthode dite de l’Analyse de Cycle de Vie (ACV (2) ),
• de respecter de nouveaux seuils cabines, qui seront progressifs mais qui entraineront, dès le 1er janvier, une évolution importante dans la manière de construire.

C’est un moment charnière pour tous les acteurs du secteur.

La réglementation nécessite une montée en compétence rapide des donneurs d’ordres et des maîtrises d’oeuvre afin de prendre le virage du Bâtiment Durable tout en maîtrisant la multiplicité des données réglementaires, normatives qui s’exercent sur leurs ouvrages.

Kompozite, plateforme digitale d’aide à la décision pour les professionnels du Bâtiment

Kompozite s’adresse aux architectes, bureaux d’études, constructeurs et maîtrises d’ouvrage. La startup Deep Tech (3) développe une plateforme leur permettant de prendre rapidement et efficacement des décisions complexes pour la construction des bâtiments durables. La solution applique des techniques de générative design (4), bien connues dans les secteurs de l’aéronautique ou de l’automobile, au secteur du BTP : le logiciel compile les données pour générer des solutions constructives optimisées en fonction des contraintes spécifiques de chaque projet, que ce soit en construction neuve ou en rénovation thermique.

Kompozite permet de :

• prendre des arbitrages techniques très rapidement (phase conception, appel d’offres ou chantier),
• d’augmenter la pertinence des matériaux mis en œuvre, notamment en terme d’emprunte carbone,
• de maîtriser les contraintes réglementaires et les risques d’assurabilité liés aux matériaux et à leur domaine d’emploi,
• de diffuser l’innovation matériaux, notamment bas carbone.

Komposite héberge sa propre base de données harmonisées de milliers de produits pour la façade et l’enveloppe des bâtiments, avec une exhaustivité de plus de 80% pour les familles de produits représentées. La base est mise à jour de façon automatisée, et compile aussi bien les produits français qu’internationaux à partir du moment où ils sont vendus en France.

Une version bêta a déjà été testée et approuvée par une cinquantaine d’acteurs de la filière, comme Vinci Construction ou les équipes ingénierie de Woodeum. Le lancement de la v1 est prévu pour novembre 2021.

Si la plateforme est pour l’heure centrée sur la façade et l’enveloppe, elle devrait très vite s’étendre à la structure et à la toiture. Tous ces domaines pourront à terme être agrégés ensemble pour proposer une offre complète à l’ensemble du bâtiment. La plateforme est accessible gratuitement pour la donnée carbone lissée des produits de construction. Comptez ensuite entre 79 à 149 euros HT par mois pour les offres de lancement, selon la formule choisie.

Un outil clé en main d’aide à la décision

La prise en main de Kompozite est très rapide : une fois connecté à la plateforme, l’utilisateur est invité à créer un projet pour bénéficier de l’ensemble des fonctionnalités de l’outil. Seules quatre entrées sont nécessaires pour lancer la création du projet (adresse, emprise, destination et environnement).

Sont ensuite proposées trois fonctionnalités identifiant les matériaux les plus adaptés aux contraintes techniques du bâtiment mais aussi les gains carbone potentiels.

Les trois fonctionnalités :

• Un moteur de recherche de produits classés par familles ou par techniques (parements rapportés en façade, parements collés ou maçonnés, enduits…) permettant en quelques clics de connaître l’impact carbone de n’importe quel matériau tout en précisant ses conditions d’utilisation. les impacts carbone sont lissés selon la méthode réglementaire de l’ACV (voir ci-dessus).
• Un générateur automatique de combinaisons de matériaux les moins polluantes et adaptées aux contraintes de l’utilisateur. Un panel de solutions est toujours proposé en fonction des critères recherchés et en toute indépendance.
• La visualisation de données à l’échelle du Bâtiment afin de visualiser certaines statistiques comme la répartition de l’impact carbone par lots ou encore un calcul du carbone bionique (5) stocké dans le projet, une fois les produits et leurs métrés renseignés.

Une certification RS2E (Récapitulatif Standardisé d’étude Energétique et Environnementale) a été engagée avec le CSTB, pour délivrer les fichiers énergie-carbone qui sont nécessaires au dépôt du permis de construire des logements neufs depuis le 1er janvier 2022. demain, l’intégration dans le BIM sera proposée afin de permettre les échanges de données ou de simplifier les saisies d’entrées.

Historique

Damien Cuny, diplômé de l’essai Business school, fait ses débuts dans la construction chez EMI, fabricant et installateur français de portes industrielles. Il grimpe rapidement les échelons en devenant le directeur général de la filiale russe du groupe, notamment responsable des opérations et du développement commercial. Cette fonction qu’il exerce pendant 7 ans de 2011 à 2018, lui permet d’avoir une vue globale du bâtiment: de la fabrication à l’exploitation, en passant par le chantier.

À son retour en France, il est remarqué par le fonds d’investissement Entrepreneur First, une nouvelle génération d’accélérateur de startups spécialisé dans la Deep Tech avec un intérêt nouveau dans la construction. Damien Cuny devient ainsi membre de la cohorte PA2 à la Station F (de mars à juillet 2019) alors qu’il prend conscience de la révolution carbone que gronde dans le secteur du BTP.

Entouré de profils techniques et digitaux, il développe l’idée de décrire les produits de construction en données numériques harmonisées. L’idée est de permettre à des algorithmes de flécher rapidement les combinaisons gagnantes par rapport à une série de contraintes, notamment environnementales. Il rencontre alors Boris Gusarov, docteur en sciences des matériaux avec qui il s’associera quelques mois plus tard pour finalement créer ce langage digital des objets du Bâtiment.

La société est lancée en mai 2020, et développe une plateforme digitale pour les acteurs du bâtiment qui compile les données matériaux et génère automatiquement des solutions constructives optimisées en fonction des contraintes spécifiques de chaque projet. La start-up est immédiatement incubée par le CSTB Lab’ et par la Station F (Fonders Program), puis labellisée GreenTech Verte par le Ministère de la Transition Ecologique. Dès sa création, Kompozite obtient sa première levée de 200 000 euros auprès de cinq business angels prestigieux issus du monde de la finance et des nouvelles technologies. Un an plus tard (6), en avril, les résultats de la version bêta permettent à l’équipe de lever près de 1,4 millions d’euros, auprès d’un consortium composé des investisseurs historiques, de 2 fonds impact français (Citizen Capital et Alliance for Impact) et d’un fond allemand (Foundamental) spécialisé sur la verticale construction. En novembre 2021, alors en pleine phase de développement, la société est nominée parmi les 40 start-ups les plus prometteuses de Station F pour 2022.

À date, Kompozite compte 9 salariés: d’une part trois ingénieurs en Bâtiment qui composent l’équipe ingénierie, d’autre part, trois développeurs et deux docteurs, l’un en mathématiques appliqués, l’autre en physique des matériaux, qui composent l’équipe digitale.

Pour vous, c’est quoi être un acteur de la transition écologique ?

Pour avoir un impact sur la transition environnementale, il faut transmettre un changement dans la manière de raisonner des acteurs de la filière. Quand j’ai commencé à travailler il y a 10 ans, le sujet du bas carbone n’était jamais abordé dans nos discussions avec les maîtrises d’ouvrage. Aujourd’hui, le réchauffement climatique est une réalité urgente et la construction, en tant que contributeur majeur doit proposer de nouvelles solutions. Et d’ailleurs, le législateur, les investisseurs immobiliers et le grand public lui réclament des efforts.

Aujourd’hui, on affiche des ambitions carbone parfois à la limite du techniquement tenable. Les constructeurs sont de plus en plus en recherche de variantes adaptées aux nouvelles contraintes réglementaires. Un changement rapide dans la manière de penser et de concevoir est en train de s’opérer. Avec Kompozite, on apporte une réponse concrète à la transition environnementale, en permettant une prise de décision raisonnée sur l’impact carbone des bâtiments.

Quelle est votre vision d’une économie positive et respectueuse ?

Il va falloir se poser la question des limites de la planète, et les mettre en perspective avec l’économie telle qu’on la conçoit aujourd’hui. La logique élémentaire est qu’on ne pourra pas continuellement puiser plus de ressources que ce que la planète est capable de régénérer. En construction, cela voudra dire penser rénovation et réemploi en priorité, et optimiser les matériaux neufs à intégrer lorsque ce sera nécessaire.

Quelles sont les innovations majeures liées à votre plateforme ?

Avant de rentrer dans la technique, avec Kompozite nous voulons déjà apporter une expérience utilisateur qu’on ne trouve pas encore – ou trop peu – dans les logiciels à destination des professionnels du bâtiment, ne serait-ce qu’en terme d’esthétique ou d’ergonomie. Nous ne sommes pas parfaits, mais nous avons vraiment cette volonté. Pour notre plateforme, nous avons même travaillé avec une agence de design qui développe habituellement des outils grand public.

Sur une partie plus technique nous faisons preuve de beaucoup d’originalité par rapport aux autres solutions du marché. En premier lieu, nous avons vite découvert que les jeux de données nécessaires à nos ambitions n’existaient pas, même dans le BIM. Nous avons donc décidé de prendre le taureau par les cornes et de les créer nous-mêmes, dans un langage documenté qui nous est propre et qui est tout à fait transposable à l’international. J’irai même plus loin : à terme, nous pourrons parfaitement apprendre notre langage à un logiciel de modélisation BIM pour le rendre intelligent. Vous imaginez un logiciel de modélisation vous indiquant que le produit que vous êtes en train d’appliquer au 8ème étage de votre bâtiment n’est pas compatible avec votre structure, et donc que vous êtes en train de travailler hors référentiel, sans assurabilité ? Ou que vous ne respectez pas les contraintes feu réglementaires ?

En second lieu, nous sommes uniques dans nos ambitions performancielles et multi-couches. Nous tenons à notre mission d’impact, mais nous savons que sur le terrain, les solutions privilégiées sont celles qui fonctionnent techniquement, dans le respect des usages prévus et de la sécurité des occupants. Une fois que ces limites sont fixées et que sont écartés les produits qui ne fonctionnent pas, on peut se permettre de faire du carbone, qui reste un facteur d’optimisation.

Partant de ce constat, on a vite compris qu’on ne pourrait pas faire un logiciel d’aide à la décision carbone sans gérer les performances techniques des produits.

Nous avons voulu développer l’analyse multi-couches parce que le bâtiment a cette particularité d’être un agglomérat de centaines de produits, qui suivent des règles d’assemblages et qui sont interdépendants. Or c’est souvent la superposition des produits qui va donner la performance technique, et a fortiori carbone.

Comment comptez-vous la développer ?

J’espère que les utilisateurs nous diront comment développer notre plateforme !

Ce que je peux dire aujourd’hui, c’est que nous tenons beaucoup à notre indépendance, notre rigueur scientifique et notre mission d’impact, et que nos développements, qu’ils soient technologiques ou géographiques, se feront toujours en alignement avec ces trois piliers.

Quelle est votre expérience ?

En 2015, j’ai soutenu une thèse appliquée sur le développement de nouveaux matériaux composites à l’Université de Grenoble, puis j’ai rejoint l’Ecole Polytechnique de Paris Saclay pour diriger une plateforme d’expérimentation.

Pendant les 6 dernières années qui ont précédé la création de Kompozite, mon expérience a principalement porté sur les simulations numériques et les modélisations de systèmes complexes, ainsi que sur le développement d’algorithmes d’analyse de données.

Quelles sont les innovations majeures liées à votre plateforme ?

Lorsque Damien et moi avons commencé à travailler ensemble, j’ai découvert les particularités du bâtiment. On y parle bien sûr de matériaux, mais les contraintes sont tellement diverses d’un projet à l’autre que c’est un domaine particulièrement complexe à appréhender.

L’un des défis majeurs de notre solution a été de trouver une méthodologie pour caractériser un produit de construction de manière digitale dans cet environnement. C’est finalement assez simple de décrire les performances physiques d’un produit. En revanche, il nous a fallu imaginer et créer un langage pour expliquer à l’ordinateur comment ce même produit se comporte au sein d’un assemblage. Je prends un exemple parmi des centaines : dans un mur, il ne va pas se passer la même chose si vous isolez avec une laine de verre ou un panneau de fibres végétales. La laine de verre est incombustible et ne craint pas l’eau, la fibre végétale est putrescible et prend feu. C’est élémentaire pour un architecte ou un artisan, ce n’est pas du tout logique pour l’ordinateur. Dans ce type de cas, il ne suffit pas de stocker l’épaisseur ou la résistance de l’isolant – il a fallu décrire que le produit fibre végétale nécessiterait une protection, quelle protection et sous quelles conditions. On a dû beaucoup travailler avec les métiers pour bien saisir les logiques sous-jacentes à toutes ces conditions, et après plusieurs itérations nous sommes arrivés à une méthodologie scalable, très robuste, et tout à fait originale à Kompozite.

Comment comptez-vous continuer de développer la solution ?

Pour moi, l’important est de créer un outil qui soit réellement utile pour nos utilisateurs, en leur facilitant le travail au quotidien. Avec Kompozite, les architectes et les ingénieurs vont pouvoir se libérer de tâches fastidieuses et se concentrer sur ce qui est vraiment important – concevoir et construire des bâtiments plus performants et plus écologiques. Nous serons très attentifs à leurs retours pour décider de nos prochains développements.

La société est soutenue par des fonds d’investissement à Impact renommés, Alliance for Impact et le fonds pionnier Citizen Capital.

Créé en 2008, Citizen Capital est un acteur de référence de l’investissement à impact en France. Sa mission est de mobiliser des fonds pour relever les défis sociaux et environnementaux de notre époque. Citizen Capital finance et accompagne des projets et des entreprises à fort potentiel qui répondent à des besoins fondamentaux et apportent des solutions innovantes qui transforment leur marché.

Société indépendante, Citizen Capital gère plusieurs véhicules d’investissement dédiés au financement de l’early stage, du growth et de l’agriculture. La société a la qualité de Société à mission, est certifiée B Corp, adhérente aux UN-PRI et membre fondateur de la communauté des entreprises à mission.

Parmi ses investissements : OpenClassrooms et Lalilo dans l’éducation et la formation, Camif.fr dans la consommation responsable, Kompozite et Deepki pour la construction bas carbone et l’efficacité énergétique du bâtiment, et Make.org et Ulule sur les enjeux de participation à la démocratie.