Comment réguler, appartement par appartement, le chauffage collectif à distribution verticale ?

Voici une solution élégante, efficace, sans travaux lourds et tout à fait abordable pour améliorer le confort et réduire les consommations d’énergie en chauffage collectif par colonnes

Pascal Poggi pour Batimédia

Plusieurs dizaines ou centaines de milliers de logements sont équipés de systèmes de chauffage collectif installés jusqu’à la fin des années 70, sans distribution horizontale, dont les radiateurs sont raccordés en colonnes. Un appartement comportant cinq radiateurs est alimenté par 5 colonnes différentes, par exemple. Dans cette configuration, l’absence d’une boucle horizontale par logement empêche de piloter le chauffage logement par logement, pense-t-on. En réalité, il existe une excellente solution depuis au moins une dizaine d’année, mais elle demeure largement ignorée. Doc. PP

Quel est le problème ?

Réguler et programmer le chauffage logement par logement améliore le confort et conduit à des économies d’énergie.

Pascal Poggi pour Batimédia

En chauffage collectif existant, lorsque les appartements sont raccordés par des boucles horizontales individuelles, la régulation et la programmation sont assez simples. On installe une vanne deux voies motorisée au début de la boucle. Cette vanne est asservie à un thermostat d’ambiance programmable dans le logement. C’est simple, efficace et devrait être mis en œuvre systématiquement. Avec, tant qu’on y est, l’ajout d’un compteur de chaleur qui intègre débit d’eau dans la boucle horizontale et Δt, c’est-à-dire la différence de température de l’eau de chauffage entre l’entrée et la sortie de la boucle horizontale. Ce qui donne un résultat exact, nettement plus précis que les répartiteurs de chaleur posés sur chaque radiateur. Doc. PP

Pascal Poggi pour Batimédia

En revanche, lorsque chaque radiateur du logement est raccordé à une colonne différente, la simple vanne deux voies motorisée n’est plus concevable, puisqu’il n’y a pas de boucle horizontale. On équipe alors chaque radiateur de robinets à têtes thermostatiques. Ce qui est nettement mieux que rien, mais pas satisfaisant tout de même, car les occupants du logement doivent manœuvrer chaque tête pour réguler la température. Doc. PP

Une bonne solution

La solution au problème est simple. Elle est même disponible en diverses configurations. Il suffit de poser sur chaque radiateur une tête thermostatique motorisée, asservie à un thermostat programmable centralisé dans le logement. Lorsque j’ai évoqué cette possibilité dans une conférence lors du dernier salon Passibat, clairement la plus grande partie de l’auditoire n’en avait jamais entendu parler. Une bonne quinzaine de marques proposent une telle solution sur le marché français. Nous n’en présenterons que quelques-unes, celles qui semblent présenter le plus grand intérêt.

Pascal Poggi pour Batimédia

Une tête de robinet motorisée sur chaque radiateur du logement permet de réguler et de programmer chaque radiateur indépendamment depuis un thermostat programmable centralisé dans chaque appartement. L’asservissement des têtes sur chaque radiateur est filaire, ce qui est de plus en plus rare et impose de tirer un fil de commande pour chaque tête, ou bien s’effectue par radio, ce qui devient la règle. Doc. PP

Des têtes motorisées et radiocommandées

Il existe littéralement plusieurs dizaines d’offres de ce genre sur le marché français, certaines présentes depuis dix ans au moins. Deux types de bus de commande sans fil sont employés : des bus propriétaires ou des bus ouverts comme enOcean ou ZigBee. Le coût d’un émetteur-récepteur WiFi a même suffisamment baissé pour des fabricants comme resideo, qui possède désormais l’activité confort-régulation de Honeywell, ou IMI Heimeier, choissent le WiFi comme bus de communication entre les têtes motorisées et le thermostat-programmateur. Ces bus ouverts permettent d’intégrer le chauffage au reste de la domotique du logement et, de créer des scénarios destinés à optimiser les consommations d’énergie. Comme, par exemple, baisser le chauffage quand les fenêtres sont ouvertes ou lever les volets roulants pour profiter de l’ensoleillement et de sa chaleur gratuite en hiver, etc. Dans leurs dernières itérations, ces systèmes sont compatibles avec les assistants vocaux de Google, Apple, Amazon ou Samsung et permettent de commander le chauffage à la voix : « OK Google, monte le chauffage dans le salon à 21°C » … L’interface de commande en est grandement simplifiée.

Pascal Poggi pour Batimédia

Le français Netatmo, membre du Groupe Legrand, a mis au point une tête motorisée, baptisée NVP-FR, alimentée par deux piles AA qui lui donnent 2 ans d’autonomie. Elle est connectée en ZigBee en 868 MHz à une base spéciale chauffage collectif. La portée est de 100 m en espace ouvert, sans doute beaucoup moins s’il faut traverser des murs de béton banché. Cette base remplace le thermostat connecté Netatmo qui agit sur le générateur en cas de chauffage individuel. En chauffage collectif, cette action n’est pas nécessaire, ni même souhaitable, mais la base enregistre la programmation du chauffage, commande jusqu’à 20 têtes NVP-FR et assure la communication en WiFi 802.11 b/g/n (2,4 GHz) avec la box internet du logement. Ce qui permet de commander le chauffage par application pour smartphone sur iOS ou Android. Et rend la commande chauffage compatible avec les commandes vocales Amazon Alexa, Google Assistant et Apple HomeKit. Les têtes Netatmo mesurent la température de la pièce de 0 à 50°C avec une précision de ± 0,5°C. Elles acceptent une plage de réglage de température de consigne de 5 à 30°C, toujours avec une précision de ± 0,5°C. Chaque tête Netatmo est fournie avec ­6 adaptateurs pour robinetteries de radiateurs : M30x1.5, M30x1.0, M28x1.5, Danfoss RAVL, Danfoss RA, Giacomini. Ce qui couvre la majorité des robinets de radiateurs installés en France. Cinq autres adaptateurs spécifiques sont disponibles sur la boutique en ligne Netatmo. Doc. PP

Pascal Poggi pour Batimédia

Naturellement, les têtes motorisées NVP-FR de Netatmo sont compatibles avec tout le reste de l’offre domotique Netatmo : la station météorologique, les détecteurs d’ouverture de portes et de fenêtres, les commandes d’éclairage, de volets roulants et de stores, … de quoi créer d’intéressants scénarios globaux. Doc. PP

Quelle alimentation électrique : à piles ou sans piles ?

Outre le type de bus de communication sans fil retenu, se pose le problème de l’alimentation électrique des têtes motorisées. En réalité ces deux questions sont intimement liées. Un bus de communication gourmand en énergie, comme le WiFi, requiert une alimentation à pile. Un bus de communication comme la solution ZigBee de base demande aussi une alimentation par piles. Non en raison de sa voracité énergétique, ZigBee est plutôt frugal de ce point de vue. Mais tout simplement parce que la version de ZigBee capable de récolte d’énergie, donc de se passer de pile, baptisée ZigBee Green est plutôt récente et n’est guère diffusée pour l’instant. Reste le bus enOcean, conçu pour la récolte d’énergie et qui fonctionne depuis l’origine sans pile et sans fil.

Pascal Poggi pour Batimédia

La marque allemande tado, de plus en plus présente sur le marché français, à la fois sous son propre nom et en OEM, dispose d’une excellente solution qui communique en ZigBee jusqu’à une base qui renvoie un signal WiFi vers la box internet du logement. Ce qui autorise un pilotage à distance par une application sur smartphone. Il faut commencer par appairer chaque tête à l’aide de l’application – indiquer la pièce dans laquelle elle se trouve, par exemple -, puis éventuellement constituer des zones – télétravail, jour, nuit, … – et enfin programmer des températures de consignes en fonction du jour et de l’heure pour tout le logement, par zone ou par pièce. Doc. Tado

Pascal Poggi pour Batimédia
Pascal Poggi pour Batimédia

Resideo, la nouvelle entreprise constituée pour exploiter les solutions de confort thermique individuelles de Honeywell, propose une tête motorisée HR92 ou un pack de têtes motorisées HR92 qui communiquent en WiFi. Chaque tête dispose d’un écran relativement grand qui facilite la configuration. Les têtes sont programmables directement sur cet écran ou bien asservissables à un thermostat d’ambiance programmable evohome. Ces thermostats d’ambiance evohome, également commercialisés par resideo, proposent des modes programmables et personnalisables, tels que les modes « éco », « vacances » et « jour de congé », pour vous assurer un confort thermique 24 h/24 et 7 j/7. Pour piloter tout ça par internet, il faut encore ajouter la passerelle d’accès à distance RFG100 vous permet de contrôler l’installation via le thermostat evohome, à l’aide de l’application Total Connect Comfort en passant par internet. Doc. PP, doc. Resideo

Le protocole enOcean pour se passer de piles

Le plus simple, naturellement, est que la tête soit capable de générer elle-même son énergie, sans pile et sans raccordement au réseau électrique. Il existe une solution pour cela depuis déjà une vingtaine d’années : le protocole de communication enOcean. Il est conçu pour générer de brefs messages qui requièrent peu d’énergie pour être envoyés, reçus, lus et compris.

En ce qui concerne le chauffage, une tête motorisée enOcean génère de l’énergie grâce à l’effet Seebeck qui exploite le ΔT entre la température de l’eau dans le réseau de chauffage et la température ambiante dans la pièce. Plusieurs marques en Europe exploitent cette technologie, dont Micropelt et Kieback & Peter. Elle est également commercialisée par Ubiwizz qui semble utiliser des têtes Kieback & Peter. Les têtes utilisant la technologie enOcean doivent naturellement être asservies à un thermostat programmable compatible enOcean. Ce thermostat programmable est raccordé au secteur et assure également la liaison en WiFi vers la box internet du logement qui pousse les données vers internet et rend possible la commande par application sur smartphone.

Pascal Poggi pour Batimédia

Voici une tête enOcean Kieback & Peter, reconnaissable à son jabot qui embarque la technologie de récolte d’énergie et de communication sans fil et sans pile. Ces têtes sont notamment utilisées par le français Ubiwizz, filiale du groupe Decelect, spécialisé en infrastructure et distribution vdi (cuivre et fibre optique) en tertiaire et en data centers. Doc. PP

Le français DomPilot ajoute le comptage

L’une des propositions les plus intéressantes est celle du français DomPilot. Elle a été développée depuis 6 ans pour la commande du chauffage radiateur par radiateur et elle ajoute le comptage de chaleur sur chaque émetteur.

Pascal Poggi pour Batimédia

La solution DomPilot se compose de têtes motorisées, alimentées par piles avec une autonomie de quatre à cinq ans, et d’un automate concentrateur. Le bus de communication sans fil retenu est le ZigBee de dernière génération 3.2. Le concentrateur dispose aussi du WiFi, d’une prise RJ45 et d’une prise RS232.Il possède aussi une adresse IP et une adresse MAC. Au-delà des têtes DomPilot, ce concentrateur gère n’importe quel objet communicant en ZigBee. Doc PP

Têtes et concentrateur sont fabriquées en France pour le compte de DomPilot. Les têtes sont fabriquées par Watts. Elles sont capables de compter l’énergie radiateur par radiateur en mesurant le débit dans la colonne et le ΔT dans la tête. Le processus de certification du comptage est en cours et devrait être terminé d’ici fin mai ou début juin.

L’automate concentrateur embarque des « agendas » préprogrammés et modifiables pour le pilotage du chauffage. Dans la préprogrammation, la consigne de confort débute à 6h30 le matin et se termine à 22h30 pour céder la place au régime réduit. Le concentrateur permet de définir des scenarios qui rassemblent plusieurs objets ZigBee, au-delà des têtes DomPïlot.

La solution DomPilot est disponible à la fois pour le logement, avec pilotage d’une vingtaine d’objets ZigBee, et pour le tertiaire sans limite de nombre d’objets pilotés. Le concentrateur exporte les données en kWh vers une plate-forme internet où, moyennant les autorisations adéquates, elles sont accessibles par les utilisateurs, par le syndic pour la répartition des frais de chauffage, par l’exploitant d’un bâtiment tertiaire, … Les données sont exportables en .CSV depuis la plate-forme pour une exploitation dans Excel ou d’autres tableurs.

Selon DomPilot, cette solution revient à 3 à 5 € HT par radiateur. C’est probablement, avec celle de Netatmo, plutôt orientée vers logement, la solution la plus intéressante disponible sur le marché français.

thierry.lemaire@groupe-mds.fr

Outre les marques citées ci-dessus, nous avons au cours de notre recherche rencontré des solutions Caleffi, Comap, Danfoss, Eurotronic Technology GmbH, Fibaro, Giacomini et Oventrop, toutes disponibles sur le marché français. Doc. Danfoss / Doc. Ovenrop

Pascal Poggi pour batimédia
Pascal Poggi pour batimédia – caleffi