Mercredi 14 février, Gabriel Attal, Christophe Béchu et Guillaume Kasbarian sont allés à Villejuif, près de Paris, visiter un chantier de logement collectif. Gabriel Attal en a profité pour annoncer une brassée de mesures dans le but de construire 30 000 logements supplémentaires d’ici 2027 sur 22 « Territoires engagés pour le logement ».
Le Premier ministre, Gabriel Attal, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, et le ministre délégué au Logement, Guillaume Kasbarian, ont annoncé trois types de mesures. Tout d’abord, un programme exceptionnel d’accélération de 22 opérations d’aménagement, sur des Territoires engagés pour le logement. Ensuite, l’inventaire des possibilités de surélévation de bâtiments pour construire des logements. Enfin, une facilitation, dans les zones pavillonnaires pour densifier en construisant une « maison dans le jardin », autrement dit une seconde maison sur les lots des propriétaires qui le souhaiteront.
22 opérations d’aménagement
Chacune des 22 opérations devrait produire de l’ordre de 1500 logements à horizon 2027 dont au moins 25 % de logement social. Ces opérations sont prioritairement localisées sur des secteurs présentant une forte tension immobilière, sur des quartiers de gare, ou sur des territoires accueillant un projet économique ou industriel d’envergure.
Concrètement, chacune de ces opérations donnera lieu à la signature d’un contrat avec la collectivité, l’établissement public ou l’opérateur assurant la maîtrise d’ouvrage de l’opération d’aménagement, prioritairement dans le cadre d’un projet partenarial d’aménagement (PPA) ou d’une opération d’intérêt national (OIN). Les OIN et les PPA offrent en effet des outils juridiques pour accélérer les procédures. Ces outils seront complétés par de nouvelles mesures, d’ores et déjà en cours d’examen au Parlement dans le cadre du Projet de Loi sur les copropriétés dégradées dont la discussion a commencé au Sénat et inspirées de la méthode mise en place pour les Jeux olympiques et paralympiques. L’article 14 de ce projet de loi organise notamment une participation du public par voie électronique, une procédure intégrée de mise en compatibilité des documents de planification, ainsi qu’une prise de possession anticipée des biens en matière d’expropriation.
Le but est que ces 30 000 logements supplémentaires soient livrés en 2027.
Des financements publics supplémentaires
Pour y parvenir, l’Etat n’exclut pas d’apporter des financements exceptionnels le cas échéant. Ils pourraient, par exemple, contribuer au financement des cessions de charges foncières aux promoteurs immobiliers et aux bailleurs sociaux, afin de garantir la faisabilité des opérations, ou contribuer au financement d’une infrastructure primaire dont la réalisation détermine le calendrier de l’opération d’aménagement (une route, une extension du réseau d’égouts, etc. Le versement effectif des subventions sera conditionné, dans le cadre du contrat, au respect du calendrier et des cibles de production de logements, à la satisfaction de critères de qualité urbaine et environnementale, ainsi qu’à un engagement de maîtriser les prix de sortie de la majorité des logements. Si nécessaire, un accompagnement complémentaire de la Banque des territoires sera également examiné.
Pour chaque projet, un comité de pilotage réunira le préfet et ses services, les collectivités concernées ainsi que l’aménageur assurant la maîtrise d’ouvrage du projet. La mise en place de cette gouvernance partagée assurera la maîtrise du calendrier, la coordination des instructions administratives entre les autorités compétentes, ainsi le pilotage de la soutenabilité économique du projet pour tenir les ambitions, partagé entre l’ensemble des signataires du contrat.
La liste des 22 opérations
A la lecture de la liste des 22 opérations sélectionnées par le gouvernement, il est clair qu’elles étaient, pour l’essentiel, déjà lancées. Le fait qu’elles soient retenues par le gouvernement va sans doute accélérer la construction, mais tous les logements qui y seront bâtis étaient déjà prévus dans le cadre de ces divers aménagements.
1 – Ferney-Voltaire (Auvergne-Rhône-Alpes)
Développement, déjà largement en cours, d’un quartier bas-carbone avec un programme mixte de logements et de surfaces économiques. Il vise de hautes performances environnementales, en particulier la renaturation de cours d’eau et le renforcement des corridors biologiques. La zone d’aménagement Ferney-Genève est une opération majeure, à proximité de l’aéroport international de Genève, du quartier des organisations internationales, ainsi que de l’organisation européenne pour la recherche nucléaire.
2 – Saint-Étienne, Saint-Jean-Bonnefonds (Auvergne-Rhône-Alpes)
Cette opération d’intérêt national, portée par l’établissement public d’aménagement de Saint-Étienne (Epase), améliore l’attractivité résidentielle et l’activité économique de Saint-Étienne à travers la production de logements neufs ou réhabilités, la requalification d’espaces publics et la restructuration de son offre tertiaire et commerciale.
3 – Saint-Malo (Bretagne)
Sept secteurs d’aménagement portant uniquement sur des opérations en recyclage foncier, s’agissant essentiellement du réaménagement de fonciers anciennement industriels en logements mixtes, qui constitueront une offre pérenne pour les habitants de Saint-Malo.
4 – Strasbourg (Grand Est)
La zone d’aménagement des Deux Rives est une opération urbaine d’envergure visant à créer et conforter des quartiers mixtes accueillant de nouveaux logements en lien avec les opérations portées par l’Anru, mais aussi des équipements publics et des activités économiques, sociales et culturelles. Ce projet contribue à la reconversion ou à la valorisation de sites portuaires et industriels, développe une relation nouvelle entre la ville et l’eau et place la mobilité au cœur de la conception urbaine en s’appuyant sur le tramway comme axe de développement.
5 – Villerupt, Rédange et Audun-le-Tiche (Grand Est)
L’établissement public d’aménagement Alzette-Belval pilote le développement urbain durable d’un territoire nord-lorrain fortement marqué par la délocalisation de l’industrie sidérurgique et par l’essor du secteur sud-luxembourgeois autour de la ville d’Esch-sur-Alzette. Il a pour objectif de contribuer au développement d’une agglomération transfrontalière avec le Luxembourg.
6 – Macouria (Guyane)
La Guyane fait face à une forte pression démographique qui nécessite un effort de production de logements. Au sein de l’opération d’intérêt national, l’établissement public foncier et d’aménagement de Guyane développe à Macouria un programme mixte entre logements, surfaces économiques et équipements publics, à mi-chemin entre Kourou et Cayenne.
7 – Dunkerque (Hauts-de-France)
Dans l’un des territoires les plus dynamiques du pays, la création de 20 000 emplois dans les années à venir, grâce aux transformations que va connaître la plateforme industrialo-portuaire de Dunkerque avec une réindustrialisation décarbonée, suscite un fort besoin de logements. Le projet proposé comporte une part importante de recyclage de foncier artificialisé. Les projets s’inscrivent également dans le programme Action cœur de ville porté par l’Anru.
8 – Champs-sur-Marne et Noisy-le-Grand (Île-de-France)
Quatre projets autour du pôle gare de Noisy-Champs du Grand Paris express, sur les communes de Champs-sur-Marne (77) et de Noisy-le-Grand (93). Ces projets, situés dans une opération d’intérêt national, sont portés par l’EPAMarne, la SPLA-IN Noisy Est et BNPPI, lauréat d’un concours inventons la métropole du Grand Paris. Ils produisent de nombreux logements dans une zone marquée par une forte tension immobilière. La ZAC des Hauts-de-Nesles vise le label Bâtiment bas-carbone à l’échelle du quartier.
9 – Gif-sur-Yvette, Orsay, Palaiseau, Saclay, Versailles (Île-de-France)
L’établissement public d’aménagement de Paris-Saclay pilote le développement du cluster scientifique et technologique de rang mondial dans le cadre d’une opération d’intérêt national. Il poursuit la réalisation de quartiers durables pour répondre aux besoins de ce cluster, marqué par l’arrivée d’établissements de recherche et d’enseignement supérieur, l’implantation d’entreprises technologiques de pointe, l’amélioration des transports, la création de logements étudiants et familiaux et d’équipements publics dans un environnement naturel privilégié et protégé. Ces quartiers seront reliés par la ligne 18 du Grand Paris express.
10 – Vitry-sur-Seine (Île-de-France)
Le projet des Ardoines produit un quartier mixte composé de nombreux logements neufs à prix maîtrisés et des surfaces d’activités économiques, en reconvertissant des friches polluées. L’opération s’appuie sur une accessibilité renforcée par l’arrivée de la ligne 15 du Grand Paris express et du Tzen 5. Elle résorbe les coupures urbaines et ouvre la ville sur la Seine, tout en assurant la résilience du territoire face aux inondations.
11 – Fontenay-sous-Bois (Île-de-France)
Il s’agit d’une opération majeure sur le premier pôle tertiaire de l’est parisien avec 30 000 emplois bénéficiant à terme d’une connexion renforcée aux transports en commun (M15 et T1) et à l’A86, avec de forts enjeux de mutation des espaces publics, de résorption de la vacance des immeubles de bureaux.
12 – Villejuif (Île-de-France)
La zone d’aménagement Campus grand parc accompagne le développement d’un campus de cancérologie à vocation internationale, situé dans un quartier de gare du Grand Paris express (lignes 14 et 15), avec un renforcement de la mixité fonctionnelle (habitat, services, desserte en transports en commun, équipements publics) et un enjeu d’intégration à son environnement urbain.
13 – La Possession, Le Port, Saint-Paul (La Réunion)
Dans un territoire ultra-marin connaissant une forte demande de logements, cette opération comporte quatorze projets situés sur les territoires de trois communes. La zone d’aménagement Cambrai-Oméga est par ailleurs l’un des démonstrateurs de la Ville durable du programme France 2030 en faveur de l’innovation urbaine.
14 – Dembeni Mayotte
Le projet d’aménagement de Tsararano-Dembéni, porté par l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte, a pour ambition de développer un nouveau quartier à proximité de l’université de Mayotte. La construction de logements, la réalisation d’équipements publics, le développement de l’offre commerciale et la préservation de l’activité agricole visent à renforcer l’attractivité du pôle urbain de Dembéni et impulser le désengorgement de Mamoudzou. L’opération est labellisée EcoQuartier. À ce titre, une attention particulière sera portée sur les matériaux utilisés, la performance énergétique et les formes urbaines et bâties qui seront adaptées au climat tropical.
15 – Communautés de communes de Dieppe Maritime, de la Falaise de Talou et du Territoire de Caux (Normandie)
Ce programme vise la production de logements sur quatre intercommunalités concernées par les travaux de construction sur l’EPR2 de Penly, qui pourrait générer 10 000 emplois sur la prochaine décennie.
16 – Bordeaux (Nouvelle-Aquitaine)
Les projets, portés par l’établissement public d’aménagement Bordeaux Eurantlantique, ont pour objectif de favoriser le renouvellement urbain des quartiers à proximité de la gare Saint Jean, et de contribuer à l’attractivité européenne de la métropole. Il se caractérise par une forte ambition en termes de programmation de logements tout en contribuant à lutter contre l’étalement urbain.
17 – Bordeaux (Nouvelle-Aquitaine)
Le projet, porté par Urbain des bois (filiale d’Icade), sur le quartier de la Jallère à Bordeaux, vise la reconversion d’une zone monofonctionnelle de bureaux pour produire des logements neufs et réhabiliter les locaux vacants afin d’y accueillir de l’enseignement supérieur, des structures de l’économie sociale et solidaire, des résidences étudiantes et une pension de famille. L’opération prévoit de signer un projet urbain partenarial carbone.
18 – Communauté d’agglomération du Pays basque (Nouvelle-Aquitaine)
Dans l’une des agglomérations les plus tendues du pays et fortement touristique, ce projet, qui concernera onze communes et une vingtaine d’opérations, permettra de résorber certains des besoins les plus forts. Le projet sera majoritairement réalisé en renouvellement urbain, et regroupe des opérations ambitieuses sur le plan de la programmation sociale.
19 – Toulouse (Occitanie)
Les opérations de Grand-Matabiau et de la Cartoucherie produisent de nombreux logements, une résidence étudiante, une pension de famille, un foyer de jeunes travailleurs et une résidence sociale, en recyclage foncier. Ces projets portent de fortes ambitions environnementales (écoquartiers), en lien avec la desserte de transport (quartier de gare et transports collectifs).
20 – Nantes (Pays de la Loire)
Ce projet comporte les zones d’aménagement de l’île de Nantes et de Pirmil-Les Isles (rive sud de la Loire), qui prévoient une importante production de logement dans des quartiers mixtes. Ces opérations s’inscrivent dans une stratégie bas-carbone (lauréat Démonstrateur de la ville durable) et ont fait de la nature et du paysage le levier du renouvellement du territoire.
21 – Nice (Provence-Alpes-Côte d’Azur)
Au sein d’une opération d’intérêt national de la plaine du Var, ce programme est porté par l’établissement public d’aménagement de Nice ÉcoVallée, en conciliant développement économique (par l’émergence d’une technopole urbaine et l’aménagement du pôle d’échange multimodal près de l’aéroport), production de logements diversifiés, abordables et de qualité, ainsi que la préservation des coteaux du Var.
22 – Marseille (Provence-Alpes-Côte d’Azur)
La zone d’aménagement ZAC littorale, portée par l’établissement public d’aménagement Euromed au sein d’une opération d’intérêt national, accompagne la mutation d’un secteur à la jonction entre le centre-ville de Marseille et les quartiers nord en un quartier mixte associant des usages résidentiels et économiques. Ce projet porte une forte amibition de renaturation avec la création du futur parc des Aygalades, améliorant la résilience du territoire face aux inondations et le cadre de vie des habitants.
Surélever, surélever
Pour créer des logements plus facilement, en densifiant et sans consommer davantage de foncier, le gouvernement compte systématiser la surélévation. La surélévation est déjà une procédure connue, mais pas assez utilisée, car elle est notamment soumise aux dispositions du PLU. Là encore, de manière pas très claire pour l’instant, le gouvernement souhaite faciliter et accélérer. Le gouvernement et la Banque des Territoires financent tous deux un inventaire du gisement de surélévation en Île-de-France, dont le résultat devrait être connu cette année. Ensuite, le gouvernement a demandé aux bailleurs sociaux et aux Collectivités Territoriales de dresser eux-aussi l’inventaire de leurs propres gisements potentiels de surélévation.
Exemple : ELOGIE, un Maître d’Ouvrage social a demandé à l’équipe formée par les architectes VAZISTAS + FAY, assisté par TRIBU ENERGIE en tant que BET énergie et environnement, de PHUNG Consulting en tant que BET fluides, de METZ Ingénierie pour les études de structure et de l’entreprise Legendre Réhabilitation, de restructurer et de rehausser d’un niveau un petit immeuble de logements collectifs, rue Raymond Losserand dans le XIVème arrondissement de Paris. Après travaux, sur la nouvelle SHON de 830 m² disponible, les Maîtres d’œuvre ont implanté 8 logements sociaux, un commerce et son logement associé, pour un budget total de 1 385 000 € HT.
Avant surélévation, un petit immeuble faubourien traditionnel du XIXième siècle parisien : 4 niveaux et combles perdus, à l’angle des rues Raymond Losserand et Paturle dans le XIVème arrondissement. Doc. VAZISTAS + FAY
Après surélévation, le bâtiment abrite désormais 8 appartements, un commerce et un appartement lié au commerce. La toiture est en zinc blanc. Les fenêtres font appel à du VEC (Verre Collé) à l’extérieur et les architectes ont joué sur la hauteur des vitrages pour maximiser l’apport de lumière naturelle. ©PP
Cette opération réussie illustre le problème : il a fallu deux ans de diagnostic et d’études, quatre ans pour obtenir le permis de construire, l’avis positif des ABF et des Architectes Voyers de la Ville de Paris, puis un an de travaux. Soit 7 ans an total. Le gouvernement veut raccourcir tout ça significativement.
La maison dans le jardin
Pour tous les propriétaires de maisons individuelles avec jardin, situées dans une première zone expérimentale à Villebon-sur-Yvette et avec l’aide de Grand Paris Aménagement, il sera possible de construire plus facilement une deuxième maison sur leur terrain. Le gouvernement envisage à la faveur de cette expérimentation de mettre au point une procédure réglementaire permettant aux communes de déroger à leur PLU (Plan Local d’Urbanisme) dans des zones et pour des objets précis, plutôt que de se lancer dans une longue révision du PLU. Dans cette première zone expérimentale, la Maîtrise d’Ouvrage sera assurée par Grand Paris Aménagement – mais ce passage n’était pas très clair -, des aides en matière d’ingénierie pourront être proposées aux habitants, des équipements publics nécessaires seront financés et des commerces seront incités à s’installer. Si cette première expérimentation se révèle un succès, le gouvernement envisage une loi qui en généralisera les dispositions.