MaPrimeRénov’ 2024, de nouvelles précisions et encore beaucoup de questions

Pascal Poggi pour batimédia

L’art de distiller les nouvelles. 11 octobre, conférence de presse téléphonique des cabinets des trois ministres concernés sur la nouvelle organisation de MaPrimeRénov’ 2024. Apparemment tout n’est pas dit, puisque lors des Journées de l’Anah les 12 et 13 Octobre, des précisions apparaissent, mais de nouvelles questions surgissent aussi. Nous prenons contact avec Sonergia pour vérifier qu’ils ont bien compris les mêmes choses que nous. La CAPEB et la FFB réagissent le 16 octobre.

Bref, c’est le moment de faire le point sur ce que nous avons compris et, aussi, sur ce que nous savons que nous ignorons encore.

Bref rappel : MaPrimeRénov’, que tout le monde semble appeler désormais « MPR », même si ça sonne comme un très vieux parti politique, ne financera plus les gestes de rénovation isolés, à partir du 1er janvier 2024. A l’exception du changement de mode de chauffage pour passer du fioul ou du gaz à un mode de chauffage décarboné.

Comme nous l’a rappelé Sonergia, cependant, les CEE (Certificats d’Economie d’Energie) demeurent accessibles même pour les gestes de rénovation isolés. Ce qui leur fait une belle jambe. Sonergia ne s’exprime pas comme ça toutefois, parce que Franck Annamayer, le président de Sonergia, et Florence Lievyn, responsable des Affaires Publiques chez Sonergia, qui étaient nos interlocuteurs, conservent un langage châtié en toutes circonstances et pèsent leurs mots. Nous, nous pouvons interpréter. Seuls les ménages les plus aisés se lanceront dans un geste de rénovation isolé sans cumuler MaPrimeRénov’ et les CEE, qui demeurent forfaitaire. C’est techniquement possible, mais ce sera rarissime.

Pas assez de MonAccompagnateurRénov’

Le gouvernement privilégie désormais le « Parcours accompagné » qui conduit à une « rénovation d’ampleur », au détriment des gestes individuels. La rénovation d’ampleur sera systématiquement accompagnée par un tiers de confiance indépendant, MonAccompagnateurRénov’. Tout le monde dit un « MAR » et nous, on résiste au calembour, mais difficilement. Rappelons que le gouvernement veut réaliser 200 000 rénovations d’ampleur en 2024. Pour l’instant, il semble que 400 candidats MAR se soient déclarés. Il faut vérifier leurs compétences et les agréer d’ici le 1er janvier 2024. S’ils sont tous retenus, l’objectif 2024 représente tout de même 500 rénovations d’ampleur à accompagner pour chaque MAR. En 2024, il y aura 304 jours ouvrables, en enlevant les samedis et en accordant un peu chichement trois semaines de vacances à chaque MAR, il ne reste plus que 237 jours effectivement ouvrés. Il faudra que chaque MAR initie un peu plus de 2 rénovations d’ampleur par jour ouvré, puis continue de s’en occuper jusqu’à la fin des chantiers. Il est plus qu’urgent de multiplier les MAR, par 100, par exemple. Ce qui ferai environ 49 rénovations d’ampleur par an et par MAR et reste encore énorme.

L’ANAH pourra-t-elle faire face à ses nouvelles charges ?

Lors de ses journées, l’ANAH a bien confirmé qu’en ce qui concerne le Parcours accompagné, elle collecterait elle-même et directement les CEE et les MPR (mais si : MaPrimeRénov’). L’ANAH contrôlera donc totalement ce secteur du marché de la rénovation. Nous avons également appris, lors des journées de l’ANAH que celle-ci gèrera directement aussi les MPR et CEE pour les opérations lancées dans les copropriétés dégradées, ainsi que pour les rénovations d’ampleur des parties privatives en copropriétés. Comme les gestes de rénovation isolés disparaissent de MPR, les délégataires collecteurs de CEE pour le compte des obligés perdent donc une bonne proportion de leur activité, plus ou moins importante selon les délégataires, mais qui peut représenter jusqu’à 50% de leur activité. Il se murmure que cette réforme entraînera environ 500 licenciements chez les délégataires et que les plus engagés sur le marché des particuliers pourraient disparaître.

Pour faire face à ses nouvelles tâches, l’ANAH doit embaucher 55 personnes. Est-ce que cela suffira ? D’autant que l’ANAH est également chargée de la gestion d’autres programmes, comme MaPrimeAdapt que le gouvernement leur demande d’accélérer pour 2024.

Franck Annamayer, le président de Sonergia, trouve que la réforme proposée est intelligente et estime que le gouvernement a raison de mettre plus de budget sur la table. Mais il trouve le rythme imposé beaucoup trop rapide. Il craint même, si cette rapidité ne permet pas à l’ANAH de déployer à temps de nouveaux moyens, cela présente de nouvelles opportunités pour les éco-délinquants.

Franck Annamayer approuve aussi que le confort d’été soit enfin pris en compte dans le Parcours accompagné (seulement). Mais, dans le même souffle, regrette que les critères applicables à la rénovation pour améliorer le confort d’été ne seront connus qu’en Décembre, après le Conseil d’Administration de l’ANAH.

Il est de plus convaincu que cette captation des CEE et de MPR par l’ANAH dans le cadre du Parcours accompagné n’est qu’un début. Il s’attend, si cela se passe bien, à ce que l’ANAH capte également les CEE et les MPR dans toutes les actions dirigées vers l’habitat.

Sonergia va se réinventer en partie

Sonergia et les autres délégaires vont donc devoir se réinventer. Tout en continuant ses efforts sur la production de CEE hors de l’habitat, en agriculture, industrie, transports, aurpès des collectivités territoriales, etc., Sonergia prévoit de développer une activité vers les particuliers en apportant un plus dans les travaux en temps que Contractant Général ou Maître d’œuvre, ce n’est pas encore tout à fait défini.

Si cette augmentation de l’activité de l’ANAH ne se déroule pas vite et efficacement, l’une des conséquences peut être une diminution de la production de CEE, alors même que les quotas des obligés (Total, Engie, EDF, …) ne baissent pas et que l’on parle même de les augmenter pour la période qui vient. Moins de CEE produits, plus de demande, on s’oriente peut-être vers une nette augmentation des prix qui, là encore, ouvrira de nouvelles opportunités aux éco-délinquants.

De nouvelles précisions quant aux règles du Parcours accompagné

Lors des journées de l’ANAH, il a été précisé que dans le cadre de la rénovation d’ampleur du parcours accompagné :

– Un saut de 2 ou 3 classes au sens du DPE sera obligatoirement accompagné de deux gestes d’isolation thermique,

– Le changement des fenêtres compte comme un geste d’isolation thermique. Ce qui constitue une manière de faire revenir le changement de fenêtres dans le financement par MPR.

– 4 sauts de classe équivalent à une rénovation performante – c’est un sous-ensemble de la rénovation d’ampleur – qui nécessite de parvenir à de faibles déperditions thermiques. Jusqu’au 1er juillet 2024, précise l’ANAH, ces faibles déperditions seront assurées par la mise en œuvre de deux gestes d’isolation thermique. Ensuite, il faudra atteindre le « coefficient ». Lequel ? On ne sait pas encore. Mais cela signifie peut-être que la méthode de calcul RTx sera revue d’ici là ? Elle date toute de même de 2008. Mais en 2023, le CSTB, l’ADEME, la DHUP (direction de l’Habitat, de l’Urbanisme et des Paysages au sein du Ministère de la Transition écologique), le collectif Effinergie et l’association HQE-GBC avaient lancé le projet CIBLE qui devait remplacer les diverses méthodes de calcul thermiques qui coexistent aujourd’hui dans les diverses réglementations – DPE, RE2020 et RTx – par un moteur de calcul unique « basé sur la physique du bâtiment ». Ce programme devait durer deux ans – 2023-2025 -et aboutir à un cahier des charges plutôt qu’à vrai outil de calcul. Ce n’est sans doute pas ça dont il s’agit. Voilà donc un mystérieux coefficient.

– La ventilation doit figurer dans l’audit énergétique réalisé avant toute rénovation d’ampleur, dont la validité dure 5 ans, et faire, éventuellement, partie de la première vague de travaux.

– Le parcours accompagné interdit d’installer une solution de chauffage « majoritairement « fossile », mais permet les pompes à chaleur hybride (chaudière gaz plus pompe à chaleur électrique).

– De même, le parcours accompagné et la rénovation d’ampleur ne permettent pas de conserver une solution de chauffage majoritairement au fioul.

La procédure ne se simplifie pas

Pascal Poggi pour batimédia

L’entrée de toute demande de renseignement sera désormais le site FranceRénov’ (https://france-renov.gouv.fr/) qui, par ailleurs n’est pas vraiment connu du public et qui avec la marque France Rénov’ demandera un gros effort de communication pour mieux les faire connaître. Doc. FranceRénov’

FranceRénov’ dirige les ménages, selon ce qu’ils veulent et en fonction de leurs revenus, vers quatre cheminements différents :

– Pour Mobiliser MaPrimeRénov’ dans le cas de ménages Très modestes (TMO, toujours ces sigles partout), modestes (MO) ou intermédiaires (INT), le dépôt de dossier s’effectue sur le site maprimerenov.gouv.fr. Les dossiers sont gérés de manière centralisée par l’ANAH grâce à la plateforme https://www.pega.com/fr/customers/anah-platform développée par PEGA et Capgémini.

– Dans le cas d’un parcours accompagné, pour les ménages TMO et MO, le dossier est déposé sur le site monprojet.anah.gouv.fr et géré de manière décentralisée au plus près du lieu de dépôt.

– Dans le cas d’un parcours accompagné, pour les ménages INT et SUP (revenus supérieurs), le dépôt du dossier s’effectue sur le site maprimerenov.gouv.fr. Les dossiers seront gérés nationalement.

– Enfin, dans le cas du processus MaPrimeAdapt’ (aider les ménages à rester chez eux le plus longtemps possible) et pour les ménages TMO et MO, instruction locale et dépôt du dossier sur le site monprojet.anah.gouv.fr

C’est bien clair pour tout le monde ?

Pascal Poggi pour batimédia

Nous avons également eu des informations sur les barèmes. Mais comme nous n’avons pas encore tout compris, le voilà brut de fonderie. Doc. DR