Le Groupe ASG construit une fonderie d’aluminium recyclé

Pascal Poggi pour batimédia

Voici le troisième épisode de notre saga sur le recyclage de l’aluminium dans le bâtiment, après Goyer et sa FairFaçade, le Groupe Technal et ses aluminium HYDRO Circal 70R et 100R, voici le projet de fonderie d’aluminium recyclé du Groupe AGS à Ham dans la Somme.

Comme l’expliquent nos deux précédents articles sur la décarbonation des fenêtres, portes et façades en aluminium, l’un des moyens principaux consiste à fabriquer des billettes, puis des profilés en aluminium à partir d’aluminium recyclé, plutôt que d’aluminium neuf. Voici le projet du Groupe AGS (Aluminium Solutions Group) qui construit à Ham dans les Hauts-de-France, une nouvelle fonderie qui n‘utilisera que des chutes d’aluminium et des profilés récupérés sur des chantiers de démolition et de rénovation.

Pascal Poggi pour batimédia

Voici les billettes d’aluminium, comme en fabriquera la nouvelle fonderie de HAM. Doc. PP

Aluminium Solutions Group (ASG) est tout jeune

ASG est une entreprise comparativement très récente. Elle résulte de la fusion en Octobre 2022 du français Aluminium Extrusion France, installé à Ham, et de l’Espagnol Extol. Ces deux entités ont été achetées, puis réunies, par le fonds d’investissement Opengate Capital. Assis sur deux entreprises plus anciennes, ASG a tout de même atteint un Chiffre d’Affaires de 325 M€ en 2022, 50% dans le bâtiment, 25% dans l’industrie et 25% dans les transports. Le groupe détient 4 sites industriels en Europe : un à Tolède en Espagne et trois en France, Ham dans la Somme, Saint-Florentin dans l’Yonne et à Nantes. Fin 2023, ASG emploie 900 personnes et possède une capacité d’extrusion d’aluminium de 75 000 tonnes par an. Lors de notre visite du site de Ham le 8 avril dernier, Edouard Guinotte, président d’ASG, a rappelé quelques faits et grandeurs essentiels qui ont nourri la stratégie d’ASG. Premièrement, l’aluminium est essentiel à la transition énergétique parce qu’elle prévoit une électrification des usages, et l’Ademe envisage une croissance de la demande l’aluminium en France de 50% d’ici 2030.

Pascal Poggi pour batimédia

Sur le site de Ham, il ne subsiste plus, pour l’instant, qu’une activité d’extrusion de profilés en aluminium. Doc. PP

Pascal Poggi pour batimédia

Les billettes, chauffées à 490°C sont extrudées à travers des filières de ce genre. Plusieurs filières peuvent être montées en série jusqu’à atteindre la forme définitive du profilé. doc. PP

Pascal Poggi pour batimédia

Les profilés sont extrudés en grandes longueurs, rectifiés, puis coupés à longueur. Doc. PP

Pascal Poggi pour batimédia

Deuxièmement, l’aluminium est recyclable à l’infini. Troisièmement, la France exporte 500 000 t de déchets d’aluminium chaque année et importe 300 000 t d’aluminium primaire. Ce qui ne va pas du tout dans le sens de la réindustrialisation voulue par le gouvernement.

ASG a donc décidé créer en France une fonderie d’Aluminium recyclé, baptisée Aluminium Foundry France (AFF) et qui sera installée à Ham dans la Somme. Le site de Ham abrite des activités industrielles depuis 1902, il extrude de l’aluminium depuis 1938. Mais, au fil des années, l’activité du site s’est réduite et il n’y reste plus aujourd’hui que de l’extrusion de profilés aluminium, destinés au bâtiment, à l’industrie ou aux transports, ainsi que beaucoup de terrain et de bâtiments inutilisés. Selon ASG, une fois terminée, après un investissement de 50 millions d’Euros, AFF produira 80 000 t de billettes d’aluminium bas carbone par an. Ce qui en fera la plus importante fonderie d’aluminium recyclé en France.

Structurer une filière d’aluminium bas carbone

L’idée d’une fonderie d’aluminium recyclé conduit immédiatement au problème de la ressource. ASG est confiant et a conclu des contrats de partenariat à long terme avec des recycleurs d’aluminium. Pour les profilés utilisés dans le bâtiment, il faut naturellement disposer d’aluminium 6060, une catégorie spécifique. Les partenaires retenus par AGS collecteront les déposes de fenêtres, portes et profilés des chantiers de démolition et de rénovation. Deux problèmes d’inégale importance se posent. Premièrement, la technologie qui sera installée à Ham permet de vaporiser les joints de polyamide, mais ne peut s’accommoder d’autres matières que le polyamide et l’aluminium. Les partenaires d’ASG devront donc démonter tout ce qui n’est pas en aluminium : les renforts en acier des profilés, les isolants éventuels et la quincaillerie (paumelles, poignées, etc.). C’est relativement facile à faire.

Second problème, bien plus sérieux toutefois, les équipements en aluminium que l’on dépose aujourd’hui datent pour l’essentiel des années 70 et jusqu’au milieu des années 80 : il y a de l’amiante partout : dans les mastics, dans les joints des menuiseries, dans les joints des premiers complexes de double vitrage, etc. C’est long, difficile et coûteux à traiter. Mais la technologie qui sera mise en œuvre chez AFF requiert de l’aluminium sans amiante.

Deux fours en série

AFF va installer deux fours, montés en série. Le premier four monte à 1000°C, fond les éléments d’aluminium recyclé dont il est nourri. À 1000°C, les joints en polyamide sont vaporisés. Le second four, récupère la chaleur des gaz de combustion du premier four et produit la coulée d’aluminium. Celle-ci est ensuite versée dans les moules sur la table de fabrication des billettes. Ces billettes seront ensuite extrudées pour fabriquer les profilés.

La fonderie AFF produira des billettes d’aluminium recyclé, dont l’empreinte carbone sera trois fois inférieure à celle d’une billette d’aluminium vierge. L’empreinte carbone moyenne en Europe pour la production d’aluminium vierge est de 6,7 tCO2eq/t d’aluminium. La fonderie AFF culminera à 2 tCO2eq/t d’aluminium, grâce au fait que la fusion d’aluminium recyclé requiert 95% d’énergie en moins que la production d’aluminium vierge. Les fours d’AFF à Ham fonctionneront au gaz naturel, fourni par Engie. ASG songe aussi à l’hydrogène. Mais rien de concret n’est entrepris en ce sens pour l’instant.

L’enquête publique sur le projet AFF se déroule du 29 avril au 30 Mai 2024. L’arrêté préfectoral autorisant le démarrage de la construction de la fonderie devrait être publié durant l’été 2024. Les travaux dureront environ 15 mois. L’objectif est une mise en service de la fonderie au second trimestre 2025.

ASG fournit notamment des profilés au Groupe Goyer.

Pascal Poggi pour batimédia

Plusieurs bâtiments ont été démolis. Ce bâtiment au fond abritera le futur stock d’aluminium à recycler. Tandis que sur le terre-plein devant sera construit le bâtiment de la fonderie proprement dite. Doc. PP