À quelques jours de la tenue du scrutin européen, le sujet des positions prises par les principaux candidats français sur les politiques européennes encadrant la rénovation énergétique des bâtiments s’impose. Alors que le Pacte Vert européen a fixé un objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050 et que le parc immobilier représente plus d’un tiers des émissions de gaz à effet de serre liées à l’énergie, la rénovation énergétique des bâtiments est un enjeu primordial pour l’Union Européenne (UE) dans l’atteinte de ses objectifs climatiques. Ce sujet est d’autant plus pertinent qu’il capitalise sur une campagne se déroulant après des crises de l’énergie et du pouvoir d’achat et dans un contexte de crise du logement annoncée.
L’UE joue un rôle moteur dans la mise en place des politiques d’efficacité énergétiques des bâtiments des États membres. Premièrement, elle a développé le cadre juridique et les objectifs sur lesquels sont basés les démarches d’évaluation des performances et de rénovation énergétique. Dans un deuxième temps, l’UE est une des sources principales de financement des aides à la rénovation énergétique en France.
Bien que 38 listes soient officiellement candidates, cet article va se concentrer sur les programmes des sept principales listes, celles qui ont une chance de dépasser, ce dimanche 9 juin, le seuil d’éligibilité de 5%.
Les candidats occupent trois types de positions vis-à-vis des politiques européennes existantes et de l’orientation qu’ils leurs souhaitent voir prendre. L’importance qu’ils portent au sujet est cependant variable. Ainsi, les partis de gauche (La France Insoumise, Les Écologistes et Parti Socialiste/ Place Publique) soutiennent les efforts de rénovation énergétiques et veulent les voir s’accentuer avec différentes propositions plus ou moins développées. De l’autre côté de l’échiquier politique, les deux listes d’extrême droite (Rassemblement National et Reconquête) épousent une position de rejet de principe à la fois des objectifs de rénovation et du cadre de classification de l’efficacité énergétique des bâtiments. La liste de la majorité présidentielle (Renaissance) ne mentionne pas le sujet dans sa campagne. Enfin, la liste de droite (Les Républicains) a une position médiane qui critique les orientations actuelles comme néfaste pour les propriétaires et demande une réforme au rabais des objectifs.
Contexte : l’UE et la rénovation énergétique des bâtiments
Considérant que cela est un enjeu principal pour la réalisation des objectifs de réduction de dépenses énergétiques, l’UE encadre les objectifs et la promotion de la rénovation durable des bâtiments au travers de 2 directives. Ces directives (celle sur la Performance énergétique du bâtiment -créée en 2002, révisée en 2010, 2018 et 2021- et tout récemment le 14 Mai 2024 et celle relative à l’efficacité énergétique -2012, révisée en 2018 et 2023-) sont notamment à l’origine de la création et de l’importance croissante des diagnostics énergétiques, dont le DPE est l’adaptation dans le droit national, ont fixé les objectifs de neutralité des nouveaux bâtiments et grosses rénovations ainsi que les objectifs globaux d’efficacité énergétique ou de sortie des équipements polluants. La dernière révision de la directive sur l’efficacité énergétique
des bâtiments demande aussi du solaire thermique et/ou photovoltaïque sur tous les
bâtiments neufs et sur toutes les grosses rénovations à compter de 2030. Les pays membres ont 20 mois pour la transposer en droit national.
Depuis 2020, la Commission Européenne développe une stratégie pour « Une vague de rénovations pour l’Europe » qui ambitionne de doubler de taux de rénovation améliorant les performances des bâtiments au cours de la décennie.
L’implication de l’UE dans les politiques de rénovation énergétique est également financière : l’UE est dotée de plusieurs dispositifs et fonds qui participent au financement des politiques d’aide à la rénovation au niveau des états membres. En France, le plan de relance européen a participé au financement de « MaPrimeRenov’ » à hauteur de 2,7 Milliards d’euros, soit environ les trois quarts du budget total.
Les candidats de gauche soutiennent, voir veulent approfondir, les ambitions européennes quant à la rénovation énergétiques des bâtiments
La liste des Écologistes menée par Marie Toussaint a le programme le plus étoffé sur le sujet. Marie Toussaint appelle résolument à accélérer la politique de rénovation énergétique des bâtiments menée par l’UE qu’elle considère « de surface ». Elle met en avant une double ambition de durabilité, en approfondissant les objectifs et politiques de transition écologique, et de justice sociale, en légiférant pour améliorer la qualité et la sobriété des logements. Cela se traduirait premièrement par un nouveau Pacte Vert sous-tendu par 260 milliards d’euros d’investissements publics européens supplémentaires chaque année. Plus précisément sur la rénovation énergétique, ces investissements permettraient de passer de 0,2% à 2% de logements rénovés annuellement, avec une politique d’aides axées sur les rénovations globales plutôt que les gestes seuls, le zéro reste à charge pour les populations les plus modestes, le remplacement des moyens de chauffage polluants. De plus, elle affiche une volonté d’opérationnaliser ces efforts au plus proche possible du terrain et d’accompagner une politique de développement de la filière économique impliquée (R&D, formation des professionnels du bâtiment et des diagnostiqueurs, valorisation des matériaux géo-sourcés et du savoir-faire architectural).
La liste Parti Socialiste et Place Publique conduite par Raphaël Glucksmann affirme également son soutien aux objectifs de décarbonation « de nos économies pour lutter contre le changement climatique » « en lançant un grand plan de rénovation énergétique des bâtiments et des logements » se concentrant prioritairement sur les écoles européennes. Lui aussi considère que la rénovation énergétique fait partie intégrante des solutions pour répondre à la crise du logement.
Les proposition pour l’extension de l’investissement dans les rénovations énergétiques des bâtiments de la liste La France Insoumise conduite par Manon Aubry font partie intégrante de leur politique de bifurcation écologique et sociale, prioritaires dans une UE qu’ils veulent sortie de l’austérité et dotée de nouvelles capacités de financement. De plus, les thématiques des performances énergétiques des bâtiments sont évoquées en lien avec les solutions insoumises pour remédier à la crise du logement (amélioration de la qualité des logements ainsi que leur nombre, programme de subvention).
La Liste LR fait campagne pour un assouplissement et une réorientation des objectifs européens
La liste Les Républicains conduite par François-Xavier Bellamy préconise une réforme du dispositif européen qu’il considère comme source de l’aggravation de la crise du logement et « nuirait scandaleusement aux propriétaires modestes ». Sont principalement visées les dispositions traduites en France dans la loi Climat et Résilience qui excluront du marché de la location les logements le moins bien classés en 2025. Bellamy souhaiterait ainsi que la directive sur la performance énergétique des bâtiments soit assouplie, basée uniquement sur des incitations et réorientée vers une prise en compte unique des émissions de gaz à effet de serre dans les DPE plutôt que les performances énergétiques globales, tout en continuant toutefois toujours à subventionner les travaux d’isolation.
L’extrême droite rejette le cadre européen d’amélioration des bâtiments
La liste Rassemblement National menée par Jordan Bardella se positionne en opposition franche aux dispositifs européens d’encadrement des performance énergétiques des bâtiments et de leurs objectifs de rénovation, épousant un point de vue à la fois eurosceptique et peu concerné par le changement climatique. Elle préconise l’assouplissement des obligations de rénovation considérées comme des « normes abusives ». Ce faisant, le RN défendrait les Français, notamment des propriétaires obligés à rénover et des locataires mis en difficulté par la baisse du parc locatif, face « aux décisions absurdes et couteuses des bureaucrates de Bruxelles ».
Le programme de la liste Reconquête conduite par Marion Maréchal est également opposée aux politiques de rénovation énergétiques. Plus généralement, la candidate rejette à la fois les politiques européennes de transition écologique et la légitimité de l’UE à les mettre en place. Elle qualifie globalement les politiques européennes de « vaste entreprise écolo punitive », elle est ainsi « contre le pacte Vert » et « l’inflation des normes et des taxes ». Elle veut supprimer la directive sur la performance énergétique des bâtiments et l’objectif de neutralité carbone 2050.