Le Ministère de la Transition énergétique a publié un guide d’application du décret BACS. Tout à la fois, il apporte des éclaircissements et introduit de nouvelles sources de confusion.
Le 22 Mai 2023, à la faveur d’une réunion organisée conjointement par Construction 21 et le Gimélec – le Groupement des Entreprises de la Filière Electronumétrique française – , des représentants de la DHUP, la Direction de l’Habitat, de l’Urbanisme et des Paysages au sein du Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire, nous ont appris une grande nouvelle. Il existe désormais un « Guide d’application du décret BACS » de 23 pages, disponible en téléchargement https://rt-re-batiment.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/guide_bacs_16052023.pdf.
Le décret BACS, rappelons-le, est en réalité composé de trois textes : le décret n°2020-887 du 20 juillet 2020, modifié par le décret n°2023-259 du 7 avril 2023, complété par l’arrêté du 7 avril relatif aux systèmes d’automatisation et de contrôle des bâtiments tertiaires, publié le 8 avril au Journal Officiel et entré en vigueur le 9 avril. Ces trois textes s’imposent aux bâtiments tertiaires, équipés d’installation de chauffage ou de climatisation, combinées ou non avec un système de ventilation, dont la puissance est supérieure à 70 kW. Les bâtiments de logement ne sont pas concernés et le seuil déclencheur en tertiaire est la puissance de chauffage ou de climatisation ≥ 70 kW, avec un calendrier précis.
Le premier décret BACS – le décret n°2020-887 – prévoyait une puissance de chauffage ou de climatisation ≥ 290 kW et s’applique depuis le 21 juillet 2021 au bâtiments neufs. Le second décret BACS – n°2023-259 du 7 avril 2023 – abaisse ce seuil à 70 kW et s’imposera à compter du 8 avril 2024 au bâtiments neufs.
Les bâtiments existants devront se mettre en conformité avant le 1er janvier 2025 pour ceux dont la puissance de chauffage ou de climatisation ≥ 290 kW et avant le 1er janvier 2027 pour les bâtiments dont la puissance de chauffage ou de climatisation est ≥ 70 kW. Doc. PP
08-bacs-juin2023
De son côté, dans sa présentation, le Gimelec a mis en avant une évaluation du nombre de bâtiments concernés et de leur taux d’équipement en GTB. Le groupement estime qu’il existe en France,
– 2000 bâtiments tertiaires de plus de 20 000 m², dont 80% possèdent déjà une GTB. Ce qui théoriquement les dégage de l’obligation de s’équiper en hardware. Le Décret BACS, toutefois, possède également des exigences en termes de supervision et d’archivage des données, qui peuvent ne pas être mises en œuvre dans un bâtiment existant équipé d’une GTB.
– 8 000 bâtiments dont la surface est comprise entre 10 000 et 20 000 m², dont moins de 40% possèdent une GTB.
– 20 000 bâtiments de 5 000 à 10 000 m², dont moins de 10% sont équipés d’une GTB.
– 200 000 bâtiments de 1 000 à 5 000 m², dont moins de 1% bénéficient d’une GTB.
Ce qui donne une estimation d’environ 221 000 bâtiments soumis au Décret BACS à équiper d’ici le 1er janvier 2027 : il ne reste que 3 ans et demi pour le faire. Doc. PP
Qu’est-ce qu’un BACS ?
Les trois textes imposent aux bâtiments concernés, l’installation d’un BACS. Le guide commence utilement par rappeler ce qu’est un BACS ou « Building Automation and Control System » : une solution combinant des produits, sondes diverses, automates et actionneurs, des logiciels, des services d’ingénierie à même de superviser et de piloter tous les systèmes techniques d’un bâtiment, grâce à des commandes automatiques et en facilitant la commande manuelle de ces systèmes techniques.
A proprement parler, c’est une GTB (Gestion Technique du Bâtiment). Mais le décret demande en plus de mettre en œuvre des appareils de suivi, d’enregistrement et d’analyse des données de production et de consommation énergétiques des systèmes techniques, en plus du strict suivi du fonctionnement et du pilotage. Au sens du décret, un BACS est donc plus qu’une GTB, une vraie supervision avec archivage et analyse des données. Du coup, aux termes de la norme NF EN ISO 52120-1 : 2022 Performance énergétique des bâtiments – Contribution de l’automatisation, de la régulation et de la gestion techniques des bâtiments – Partie 1 : cadre général et procédures (485,34 € HT tout de même sur le site de l’AFNOR https://www.boutique.afnor.org/fr-fr/norme/nf-en-iso-521201/performance-energetique-des-batiments-contribution-de-lautomatisation-de-la/fa193212/321838), cela correspond à une GTB de Classe C. La Classe A étant la meilleure, la classe D étant la moins bonne. A travers la fiche standardisée BAT-TH-116, les aides financières des CEE ne contribuent qu’à la mise en place d’une GTB de classe A ou B, qui dépasse les exigences du décret BACS, mais qui peut le plus peut le moins, espère la DHUP. Cette fiche s’applique aux opérations engagées avant le 1er janvier 2025. De plus, un coup de pouce CEE multiplie par 1,5 à 2, les aides de la fiche standardisée BAT-TH-116, seulement pour les opérations engagées d’ici fin 2023. Ce coup de pouce – au cours des CEE de mi-avril 2023 – peut représenter, selon la DHUP, une aide de 46 000 € pour l’installation d’un BACS dans un bâtiment de 5000 m².
Le but fondamental du BACS, toujours selon la DHUP, est d’assurer le confort, la santé et la productivité des utilisateurs, avec les consommations d’énergie les plus faibles possibles.
Les exigences du Décret BACS
Le guide rappelle ensuite, de manière plus claire que le décret, quelles sont les exigences du décret BACS. D’abord, les systèmes techniques qui doivent obligatoirement être raccordés à un BACS sont :
– le chauffage,
– la climatisation,
– la ventilation,
– la production d’eau chaude sanitaire,
– l’éclairage intégré,
– la production d’électricité sur site,
– ainsi que tout système combinant au moins deux des systèmes précédents.
Une fois que ces systèmes sont connectés au BACS, celui-ci doit prendre en charge les fonctions suivantes :
– suivre, enregistrer et analyser en continu, par zone fonctionnelle et au pas de temps horaire, les données de production et de consommations énergétiques du bâtiment et les ajuster en suivant les consignes, les scénarios et les optimisations possibles. C’est une exigence qui paraît tout à fait naturelle. En réalité, elle est extrêmement forte. Seuls les bâtiments avec GTB, supervision et exploitants bien formés cochent cette case aujourd’hui.
– situer l’efficacité énergétique du bâtiment par rapport à des valeurs de référence,
– détecter les pertes d’efficacité des systèmes techniques, en informer l’exploitant du bâtiment pour qu’il puisse analyser la dérive et restaurer l’efficacité énergétique à son meilleur niveau,
– être interopérable avec les différents systèmes techniques du bâtiment,
– permettre un arrêt manuel des systèmes techniques reliés au BACS et leur gestion autonome.
Les installations de ventilation doivent être raccordées au BACS.
Des précisions utiles et confuses à la fois dans le guide BACS
Le guide nous éclaire sur quelques points obscurs du décret, parfois de manière surprenante.
Les données collectées sur la production et la consommation énergétiques des systèmes, à l’échelle mensuelle, doivent être conservées pendant 5 ans, soit dans le BACS, soit de manière dématérialisée dans le Cloud. Les données appartiennent au propriétaire du BACS. C’est clair.
En revanche, en ce qui concerne la fonction « situer l’efficacité énergétique du bâtiment par rapport à des valeurs de référence », le guide explique que ces valeurs de référence sont des données d’études énergétiques du type DPE, étude thermique dans le cadre de la RT2012 ou de la RE2020 ou audit énergétique. Là, on s’arrête. Les données collectées par un BACS sont les consommations d’énergie finale réelles d’un bâtiment. Tandis que les données issues d’un DPE, de la RT2012 ou de la RE2020 sont exprimées en énergie primaire et résultent de l’application de méthodes de calcul conventionnelles. Trois méthodes différentes peut-on d’ailleurs ajouter : appliquées à un même bâtiment, elles donneront des résultats différents. De plus, en tête de chacun des décrets qui instituaient ces méthodes figure explicitement la mention qu’il ne s’agit pas de méthode de simulation pour approcher des consommations d’énergies réelles, mais de méthodes forfaitaires pour respecter une réglementation.
De plus, le DPE en tertiaire existant n’a rien à voir avec le DPE logement (la méthode 3CL version novembre 2021), en ce qui concerne sa méthode de calcul. Le DPE en tertiaire obéit toujours à l’arrêté du 15 septembre 2006, modifié le 31 mars 2021. Le tertiaire neuf, pour sa part, relève désormais de l’arrêté du 21 septembre 2007, modifié le 31 mars 2021. Dans les deux cas, la modification en mars 2021 a consisté à retirer le logement du périmètre de ces arrêtés. Pour la construction neuve en tertiaire, le DPE est établi à partir du calcul RT2012 pour les permis de construire déposés avant le 1er janvier 2012, à partir du calcul RE2020 pour les bâtiments d’enseignement et les bureaux dont le permis de construire a été déposé après le 1er juillet 2022. La base de données des DPE tertiaires gérée par l’ADEME https://data.ademe.fr/datasets/dpe-v2-tertiaire-2 contient 515 562 enregistrements datant d’avant juillet 2021 et 166 145 réalisés depuis Juillet 2021. Leurs données ne sont pas comparables directement.
Le guide BACS indique que l’on peut aussi se référer aux caractéristiques, présentes sur la fiche technique des divers systèmes et utiliser les rendements minimaux indiqués.
Bref, sur le point « situer l’efficacité énergétique du bâtiment par rapport à des valeurs de référence », le guide BACS renforce la confusion.
Qui se charge d’installer un BACS ?
Les équipements destinés à respecter le décrets BACS seront également utiles pour contribuer aux exigences du Décret Eco Energie Tertiaire https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/20064_EcoEnergieTertiaire-4pages-web.pdf, dit « Décret Tertiaire ». Même si les bâtiments concernés sont évalués de manière différente : seuil de surface pour Eco Energie Tertiaire, seuil de puissance pour BACS.
Le propriétaire des systèmes de chauffage et de climatisation qui dépassent le seuil de puissance de 70 kW doivent se charger d’installer les équipements, les logiciels, … pour respecter le décret BACS. Dans le cas d’un raccordement du bâtiment à un réseau de chaleur ou de froid urbains, le propriétaire de la sous-station se chargent d’installer le BACS et les équipements correspondants. Sauf si la sous-station appartient au gestionnaire du réseau de chaleur ou de froid, auquel cas le propriétaire des de l’installation de chauffage ou de climatisation endosse la responsabilité de l’installation du BACS.
Le guide BACS rappelle les deux exceptions qui permettent de ne pas installer de BACS :
– dans un bâtiment existant, si le TRI – Temps de Retour sur Investissement – de l’installation du BACS est supérieur à 10 ans, déduction faite des aides publiques et des CEE,
– dans un bâtiment neuf pour lequel une étude établit que le TRI de l’installation d’un BACS est supérieur à 10 ans.
A l’inverse, dans un bâtiment neuf, souligne le Guide BACS, si le TRI est inférieur à 10 ans, tous les systèmes techniques du bâtiment doivent être connectés au BACS lors de la livraison du bâtiment, quelle que soit leur puissance nominale. En revanche, dans un bâtiment existant, si le TRI pour le raccordement du chauffage et de la climatisation est inférieur à 10 ans, mais que le RTI du raccordement de l’éclairage à ce BACS est supérieur à 10 ans seuls le chauffage et la climatisation, doivent être raccordés.
Le paragraphe 2.B du Guide BACS explique comment calculer le TRI.
Inspecter son BACS
Le Guide BACS rappelle qu’il est désormais obligatoire, conformément à l’article R. 175-5-1 du Code de la Construction et de l’Habitation, de faire entretenir son BACS. Cette responsabilité incombe au propriétaire du BACS. L’inspection du BACS a lieu au moins tous les 5 ans, mais aussi dans les deux ans suivant, soit l’installation ou le remplacement du BACS, soit l’installation ou le remplacement de l’un des systèmes techniques raccordés au BACS.
De plus, alors que certains des équipements connectés au BACS étaient auparavant exempt d’entretien obligatoire, le décret du 7 avril 2023 rend obligatoire annuellement :
– la vérification de la ou des chaudières – alimentées par des combustibles gazeux, liquides ou solides d’une puissance nominale comprise entre 4 kW et 400 kW – et des installations destinées à la distribution et à la régulation de la chaleur, leur nettoyage et leur réglage. Ce qui, implicitement, rend obligatoire un équilibrage des réseaux et sa vérification annuelle.
– l’évaluation du rendement de la ou des chaudières et l’évaluation de son dimensionnement en regard des besoins de chauffa gfe du bâtiment, sauf s’ils n’ont pas changé depuis l’inspection précédente.
– la vérification des systèmes thermodynamiques, leur nettoyage et leur réglage, le cas échéant,
– la vérification de l’étanchéité des circuits contenant des fluides frigorigènes.
– Pour les chaudières, comme pour les systèmes thermodynamiques, l’auteur de l’inspection – nécessairement un professionnel qualifié fournit des conseils sur le bon usage des systèmes en place, des recommandations sur leur amélioration éventuelle, voire de leur remplacement.
Enfin, le Guide BACS recommande, lorsque le système BACS installé le permet, de communiquer avec les gestionnaires des réseau électrique et gaz, à travers les applications Ecowatt et Ecogaz pour éventuellement réduire ou différer les consommations d’énergie en fonction des messages que ces deux applications envoient.
Notre prochain article portera sur les solutions – équipement + software – pour respecter le décret BACS, sans ruiner les entreprises.
A partir de seuil de puissance de 70 kW, tous les bâtiments tertiaires, neufs ou existants, à l’exception de ceux dont le TRI (Temps de Retour sur Investissement) sont soumis au BACS. La présence d’une GTB, comme c’est classique dans les hôtels, par exemple, ne suffit peut-être pas : il faut encore vérifier que l’aspect supervision et l’archivage des données pendant 5 ans sont bien assurés par le système installé.