KNX, BACnet, LonWorks, enOcean, ZigBee, Thread, Matter, DALI, OCF, … autant de solutions pour faire communiquer entre eux les équipements techniques d’un bâtiment tertiaire ou d’un logement. Elles sont très diverses, mais deux tendances se dégagent : séparer la couche de transport des données et la couche application, utiliser des protocoles compatibles TCP/IP.
Dans un bâtiment tertiaire, comme en maison individuelle ou en logements collectifs, l’intelligence vient de la mise en relation des divers appareils connectés, de manière à ce qu’ils puissent mutualiser les données collectées par les diverses sondes et construire des scénarios pour optimiser le confort et réduire les consommations d’énergie. Par exemple, si dans un bâtiment de bureaux, le circuit qui contrôle l’éclairage bénéficie d’une sonde d’ensoleillement en façade, il n’est pas utile d’en installer une autre pour piloter le fonctionnement des protections solaires, autant mutualiser l’information. En logement, si une fenêtre est ouverte, le pilotage du chauffage et de la climatisation doit en être informé et couper le chauffage ou la climatisation dans cette pièce.
Mais voilà, pour parvenir à de tels résultats, il faut que les divers appareils parlent un même langage et que l’on puisse en ajouter, en remplacer ou en enlever un facilement. Tout cela implique deux mécanismes. Tout d’abord, il faut transporter l’information – c’est ce que nous appelons dans la suite de cet article la couche de transport – et faire en sorte qu’elle parvienne à tous les destinataires concernés. Ensuite, il faut que l’information transportée soit comprise de tous ses destinataires : ce que l’on appelle la couche application.
Longtemps, chaque protocole de communication dans le bâtiment associait intimement couche de transport et couche d’application. En tertiaire, Par exemple, LonWorks et KNX, deux protocoles de communication apparus le premier au début et le second à la fin des années 90, utilisaient durant plus de 20 ans des couches de transport et des couches applicatives différentes. Ce qui les rendaient parfaitement incompatibles et requérait la présence d’un automate traducteur spécialisé – une passerelle – pour faire communiquer dans un bâtiment le réseau LonWorks chargé des ventiloconvecteurs avec le réseau KNX qui pilotait le contrôle d’accès, par exemple.
Pour être bien compris, osons une illustration. Pendant très longtemps et encore aujourd’hui, a prévalu une situation dans laquelle on ne peut écrire dans un livre (couche transport) qu’en français (couche applicative), alors qu’on ne peut téléphoner (couche transport) qu’en allemand (couche applicative). Pour passer de l’un à l’autre, il faut un traducteur (la passerelle) qui lit le livre au téléphone (passage d’une couche de transport à une autre), en traduisant instantanément du français à l’allemand (d’une couche applicative à une autre). Ce n’est pas simple et les passerelles sont notoirement les maillons faibles des installations de GTB (Gestion Technique du Bâtiment).
Séparer la couche de transport et la couche application
Deux actions sont requises pour simplifier tout ça. Premièrement, séparer les couches transport et application, de manière à ce qu’une même couche de transport puisse transmettre les informations de différentes couches d’applications. Cela revient à faire en sorte que l’on puisse écrire un livre indifféremment en français ou en allemand et que l’on puisse tenir une conversation téléphonique dans l’une ou l’autre langue. Ça n’a l’air de rien, mais c’est une révolution. On peut y parvenir de trois manières différentes : découper les fonctionnalités d’un protocole de communication existant, développer seulement un protocole de transport de données capables de fonctionner avec diverses couches applicatives ou encore développer seulement une couche d’application qui fonctionne sur diverses couches de transport.
Le protocole ZigBee a été le premier à bénéficier d’une opération chirurgicale, avec son découpage en deux parties indépendantes et l’apparition dès 2018 de ZigBee Pro (transport) et de ZigBee 3.0 (application). ©PP
ZigBee Pro, dont la dernière version Zigbee Pro 2023 a été publiée à la fin du premier semestre (https://csa-iot.org/fr/r%C3%A9daction/zigbee-pro-2023-am%C3%A9liore-la-s%C3%A9curit%C3%A9-globale-tout-en-simplifiant-l%27exp%C3%A9rience/), est un protocole de communication sans fil maillé. Dans un réseau maillé, souvent appelé Mesh (filet en anglais), chaque point du réseau est à la fois émetteur, récepteur et ré-émetteur. Dans un réseau maillé, pour aller du point A au point D, un message peut passer de A à B puis à D ou bien de A à C, à E puis à D, si B est devenu indisponible, … Cette architecture confère au réseau une portée et une fiabilité accrues. ZigBee Pro, Thread, Zwave et Blustooth Mesh sont des réseaux sans fil maillés. ©PP
La CSA (Connectivity Standards Alliance) qui gère l’évolution de Zigbee Pro et de Zigbee 3., s’est également lancée dans le développement de Matter. Matter est seulement une couche applicatiove qui fonctionne sur n’importe quelle couche de transport IP : Ethernet, PoE (Power over Ethernet : le fait d’utiliser un réseau Ethernet pour à la fois fournir l’alimentation électrique à des automates et transporter les données), WiFi et le tout récent Thread, par exemple. ©CSA
Matter est poussé par 31 « promoteurs », dont Amazon, Apple, Google et, dans le monde du bâtiment, Assa Abloy, LG, Haier, Legrand, Midea, Resideo (ex-Honneywell), Samsung, Schneider Electric, Signify (ex-Philips Lighting), Somfy et Tuya. Mi-août, Matter est également utilisé par 274 « participants » et 240 « adoptants ». Parmi les participants, on trouve notamment A.O. Smith (l’eau chaude), le groupe Atlantic, Belimo, Bush-Jaeger Elektro GmbH, Carrier, Danfoss, Delta Dore, Dormakaba (les portes), Eaton, EDF, Emerson, Grundfos, Hager, Johnson Controls, Mitsubishi Electric, le français NodOn, Orange, Panasonic, Bosch, Siemens, Toshiba, Velux et Viessmann. Parmi les adoptants, figurent Aldès Aéraulique, EcoFlow, Geberit International AG, Overkiz, Rehau Group, Vaillant Group International GmbH, Wago Kontakttechnik et Yokis. ©PP
Thread, un nouveau protocole de transport de données
De son côté, le Thread Group a entrepris la tâche inverse, mais complémentaire : développer un protocole de transport de données sans couche applicative. Thread, c’est le nom de ce nouveau protocole, est une solution de communication sans fil, maillée et compatible IPv6.
Un réseau Thread requiert un Border Router (un routeur frontière) pour le connecter à d’autres réseau IP, comme le WiFi ou Ethernet. Lorsque ce Border Routeur est en place, tous les appareils Thread sur ce réseau peuvent être pilotés ou peuvent pousser des données vers une applications sur smartphone ou tablette, soit locale, soit en ligne si le Border Routeur est connecté à internet. ©ThreadGroup
Thread est également très rapide et consomme peu d’énergie. Mais pour l’instant les appareils Thread doivent être soit alimentés par le réseau électrique, soit équipés de piles. Il n’existe pas encore de version de Thread capable de pratiquer une récolte d’énergie, comme enOcean sait le faire depuis sa conception. En revanche, on peut simultanément transporter plusieurs couches applicatives dans un réseau Thread : Matter et OCF en même temps, par exemple. Certains industriels, dont le français NodOn, s’efforcent de développer des puces capables de fonctionner simultanément en Thread, Zigbee Pro et enOcean.
Le Thread Group (https://www.threadgroup.org/thread-group) rassemble assez largement les mêmes membres que la CSA chargée de développer Matter et Zigbee. Parmi les sponsors du Thread Group, on retrouve notamment Amazon, Apple et Google, ainsi que Smarthings (Samsung), Siemens, Somfy et Yale (Asssa Abloy). Parmi les contributeurs figurent à nouveau le Groupe Atlantic, Belimo, Busch-Jaeger, Grundfoss, Hager, Legrand Orange, Resideo, tado, Velux, Viessmann, Warema et Watts. Delta Dore, Danfoss, Eaton, LG, Schneider Electric, Tuya et Vaillant se trouvent parmi les « implementers ».
Zigbee Pro et Thread sont conçus à la fois pour la domotique et pour les bâtiments tertiaires. On peut en effet connecter 65 536 appareils au sein d’un même réseau Zigbee, tandis que Thread accepte jusqu’à 250 appareils dans un même réseau. Ça, c’est la théorie. Notre prochain article portera sur les réseaux Thread avec Matter et éventuellement avec d’autres couches applicatives que l’on rencontre en tertiaire, comme DALI, KNX ou OCF.
NXP est l’un des principaux fondeurs de semi-conducteurs dans le monde. Il fournit des puces pour diverses applications dans un réseau Thread. ©PP
Netatmo, membre du groupe Legrand, suit attentivement les développements de Matter et de Thread. Netatmo a été le premier à proposer des appareils fonctionnant simultanément sous Thread et Matter. Ce qui permet de créer toutes les synergies intelligentes pour améliorer le confort et réduire les consommations d’énergie. ©PP
Dans un réseau Thread, si le Border Routeur est connecté à internet, une application peut piloter tous les appareils raccordés au réseau et créer des scénarios d’optimisation. ©PP