Chamboulement de MaPrimeRénov’ pour 2024

Pascal Poggi pour batimédia

Le 11 Octobre 2023, à la faveur d’une conférence de presse téléphonique, les cabinets des ministres de Transition écologique et de la Cohésion des territoires (Christophe Béchu), de la Transition énergétique (Agnès Pannier-Runacher) et du Logement (Patrice Vergriete) ont présenté les futures modalités de MaPrimeRénov’ applicables à compter du 1er Janvier 2024. Les changements sont profonds.

Les grands objectifs

Les modifications de MaPrimeRénov’ ont pour but de permettre à la France d’atteindre ses objectifs climatiques pour 2030 et 2050. Rappelons-le, en adoptant l’Agenda Européen « Fit for 55 », avec enthousiasme faut-il préciser, la France s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55% d’ici 2030. En 2050, la France et tout le reste de l’Europe doivent être neutres en carbone.

Dans son rapport « Acter l’urgence, engager les moyens », publié en juin 2023, le Haut Conseil pour le Climat rappelait que « la baisse des émissions de gaz à effet de serre de la France se poursuit en 2022, mais à un rythme qui demeure insuffisant pour atteindre les objectifs de 2030 ». Il poursuivait en indiquant que « L’adoption de la réglementation du paquet Fit for 55 de l’Union européenne doit rapidement se traduire en mesures concrètes et nouvelles sources de financements en France … ».

Le dossier de presse accompagnant les nouvelles modalités de MaPrimeRénov’ indique pour sa part : « Afin d’atteindre nos objectifs climatiques pour 2030 et 2050 et d’améliorer la qualité de vie des citoyens, nous devons intensifier la cadence des rénovations d’ampleur, meilleur moyen de sortir les logements de la catégorie des passoires énergétiques. 200 000 rénovations thermiques devront être réalisées dès 2024, soit plus d’un doublement par rapport au rythme annuel actuel. En parallèle, le rythme de dépose des chaudières majoritairement fossiles devra aussi accélérer afin de supprimer environ 75 % des chaudières au fioul et 20 % des chaudières au gaz (hors hybrides) d’ici 2030 ».

Bref, il faut accélérer.

Les gestes isolés disparaissent

Dans cette optique, le projet de refonte de MaPrimeRénov’ comporte deux grandes réorientations : suppression des gestes de rénovation isolée, accentuation des « Rénovations d’Ampleur ».

Premier constat, MaPrimeRénov’ ne financera plus de gestes de rénovation isolés, comme l’isolation thermique des combles, etc. Sauf dans un seul cas : il sera en effet toujours possible, pour des logements dont le DPE n’est ni G, ni F, de déposer une chaudière fioul ou gaz pour la remplacer par « un équipement de chauffage renouvelable », autrement dit une pompe à chaleur air/eau ou géothermique, mais pas air/air. Il faudra fournir un DPE pour prouver que le logement n’est pas une passoire.

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Il restera possible pour des logements qui ne sont pas des passoires thermiques (ni G, ni F au sens du DPE) de changer juste la chaudière, au profit d’un système de chauffage décarbonné. Doc. PP

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Le communiqué de presse indique également – mais ce n’est vraiment pas clair puisqu’en conférence de presse, ce point n’a pas été abordé – qu’en copropriétés, pour les parties privatives des appartements, les forfaits resteront accessibles sans obligation d’installer un équipement de chauffage. Doc. PP

Pour bien comprendre, il faut attendre la publication des barèmes et des règles gouvernant les nouvelles modalités de MaPrimeRénov’.

Un gros effort sur les « rénovations d’ampleur »

Second point, un effort conséquent sera porté sur les rénovations d’ampleur. Une rénovation d’ampleur est définie comme permettant au logement de réaliser un saut de deux classes de DPE ou plus et rassemblant au moins trois gestes de rénovation, dont obligatoirement deux gestes d’isolation thermique et le traitement de la ventilation.

Pascal Poggi pour batimédia

Nous avons également vu l’apparition de l’expression « bouilloire thermique » lors de cette conférence de presse. La rénovation d’ampleur intègrera, dès janvier 2024, les gestes en faveur de l’amélioration du confort d’été et leur coût sera incorporé dans l’assiette des travaux. Trois gestes d’amélioration du confort d’été sont cités : pose de pompes à chaleur y compris de pac air/air réversibles, les brasseurs d’air et les protections solaires des parois vitrées. En ce qui concerne les protections solaires, ont été cités : les volets et les stores extérieurs, les films collés sur les vitres. Doc. PP

La rénovation d’ampleur est obligatoirement accompagnée

Les ménages souhaitant s’engager dans des travaux de rénovation permettant un gain minimal de 2 classes sur leur DPE bénéficieront d’un accompagnement systématique et d’une prime revalorisée. Ce parcours est ouvert à l’ensemble des logements. Il cible notamment les passoires thermiques (logement classés F et G au sens du DPE), grâce à une prime renforcée et permettra d’assurer un reste à charge plus faible pour les ménages aux revenus les plus modestes.

Tout cela reste encore à clarifier, puisque les barèmes ne sont pas encore publiés. Mais le communiqué de presse fournit deux exemples. « Jusqu’à 70 000 euros de travaux pris en compte en cas d’un saut de 4 classes et un taux de prise en charge pouvant atteindre 90 % pour les ménages aux revenus très modestes rénovant une passoire thermique ». Les conditions sont très restrictives : passoire thermique, gains de 4 classes du DPE, revenus très modestes.

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Ce parcours permettra de financer des rénovations performantes au sens de la loi, le cas échéant par étapes, voire globales si elles sont réalisées en moins de 18 mois. Ce dernier point reste à clarifier. Doc. PP

La prestation du tiers de confiance indépendant, Mon accompagnateur Rénov’, qui devient obligatoire dans le cadre du parcours rénovation d’ampleur, est financée à hauteur de 100 % pour les ménages aux revenus très modestes, 80 % pour les revenus modestes, 40 % pour les revenus intermédiaires et 20 % pour les revenus supérieurs, dans la limite d’un coût plafond de 2 000 € qui pourra atteindre 4 000 € dans les situations spécifiques de traitement de l’habitat indigne et de la précarité énergétique pour les ménages aux revenus les plus modestes.

Financement de l’accompagnateur

La rénovation d’ampleur est donc ouverte à tous les logements, à tous les ménages, mais le montant de son financement est lié à des conditions de ressources et elle requiert un saut d’au moins deux classes de DPE. « Pour un ménage aux revenus très modestes, le taux de financement socle sera de 80 % pour une assiette de travaux éligible comprise entre 40 000 et 70 000 € (HT) selon l’ambition du projet », indiquent les trois cabinets. De plus, les taux de financement seront majorés de 10 % pour les passoires thermiques qui atteignent au moins l’étiquette D du DPE après travaux. L’éco-PTZ sera reconduit jusqu’en 2027 et pourra être couplé avec MaPrimeRénov dans le cadre d’un parcours simplifié pour financer un projet de rénovation d’ampleur. Le prêt avance rénovation est un également un outil à disposition des ménages pour financer leur reste à charge.

Le prêt avance rénovation ou prêt avance mutation est un nouveau prêt hypothécaire consenti par un établissement de crédit, un établissement financier ou une société de tiers-financement. Il est proposé aux ménages modestes depuis le 1er janvier 2022 pour leur permettre de financer des travaux de rénovation énergétique. Le capital emprunté est remboursé lors de la vente du logement ou lors de la succession. Le prêt est garanti par une hypothèque prise sur le bien immobilier, associée à la garantie publique apportée par l’État à hauteur de 75 % du montant emprunté. Les banques ne se sont pas précipitées. Seules la Banque Postale et le Crédit Mutuel proposent le prêt avance rénovation.

Les ménages aux revenus les plus modestes pourront continuer de solliciter des avances auprès de l’Anah pour limiter les montants à débourser en début de parcours. Sinon, la règle demeure que les ménages font réaliser les travaux, paient les factures et obtiennent leurs aides ensuite.

L’ANAH gère les CEE

Dans le cadre du parcours rénovation d’ampleur, un seul dossier est déposé auprès de l’Anah qui se chargera de valoriser elle-même les aides au titre des certificats d’économies d’énergie (CEE) pour le ménage. Le montant des aides au titre des CEE est donc intégré directement dans le montant de MaPrimeRénov’ sans autre démarche de la part des ménages.

Pascal Poggi pour batimédia

Ces nouvelles règles sont valables aussi bien en maisons individuelles qu’en copropriétés. Doc. PP

Pascal Poggi pour batimédia

Du coup, les agrégateurs de CEE – Effi, Sonergia, … – voient ce marché leur échapper. Dans le même temps, MaPrimeRénov’ ne finance plus les gestes de rénovation au coup par coup. En conférence de presse, les cabinets des ministres ont indiqué que ces entreprises pourraient toujours demander à devenir « Tiers de Confiance ». Outre les bouleversements de MaPrimeRénov’, d’autres modifications ayant trait au financement de la rénovation sont intervenues récemment, notamment en ce qui concerne les CE