La géothermie en collectif et en tertiaire, c’est une question d’optimisation des investissements

Pascal Poggi pour batimédia

La géothermie de surface – moins de 200 m de profondeur de forage – est la moins carbonée des solutions de chauffage et de rafraîchissement des bâtiments collectifs et tertiaires. Mais, les investissements nécessaires sont importants. Doc. Weishaupt

Malgré toutes ses vertus et la récente augmentation des prix des énergies, la géothermie de surface en tertiaire et en logement collectif a encore besoin des aides publiques pour se développer. Le Fonds Chaleur géré par l’ADEME et les CEE contribuent à réduire l’investissement initial et rendent les installations géothermiques finançables avec des temps de retour sur investissement de 5 à 10 ans. Au-delà des aspects techniques – forage, boucle fermée ou boucle ouverte avec puisage et rejet en nappe phréatique, dont nous avons abondamment parlé dans notre premier article consacré à la géothermie (https://batimedianews.com/live/index.php/2023/11/02/geothermie-ou-en-sommes-nous/) -, la géothermie de surface en tertiaire et en collectif est un exercice d’optimisation financière.

Quelle couverture des besoins avec la géothermie de surface ?

Selon Sylvain Thierry, COO et cofondateur de Celsius Energy, un spécialiste de la géothermie, la géothermie de surface avec pompes à chaleur représente une puissance installée de 115 GWth dans le monde, répartie à peu près à égalité entre le puisage/rejet en nappe et les sondes fermées. En France, il existe des zones favorisées en ce qui concerne le puisage/rejet en nappes, comme le bassin parisien, mais l’essentiel des installations fait appel aux boucles fermées que l’on peut déployer partout. Si en construction neuve, avec une bonne conception du bâtiment et de l’installation, il est parfaitement possible de couvrir la totalité des besoins de chaleur et de froid avec la géothermie de surface ; dans l’existant, il vaut mieux hybrider : la géothermie couvre environ 50% de la puissance crête – ce qui permet tout de même de couvrir 80 à 90% des consommations annuelles de chauffage et de rafraîchissement -, la pointe en chauffage est assurée par une chaudière gaz existante, par exemple, ou par une groupe froid air/eau réversible.

L’optimisation des installations est affaire de spécialistes, comme Celsius Energy ou Accenta, capable d’étudier, de concevoir, de livrer clef en mains, une installation de géothermie de surface avec assistance numérique pour le suivi et financement de l’investissement avec des partenaires. Les résultats de la géothermie de surface en tertiaire et en logement collectifs sont très largement probants. Voici deux exemples.

Pascal Poggi pour batimédia

Celsius Energy, filiale à 100% du groupe SLB (Schlumberger) qui a réalisé 8 milliards de dollars de Chiffres d’Affaires au troisième trimestre 2023, fournit une solution clef en main pour le chauffage et le refroidissement par géoénergie. L’entreprise est particulièrement connue pour maîtriser la technologie du forage en étoile : les sondes sont inclinées, ce qui réduit à quelques dizaines de m² l’espace nécessaire en surface pour 20 à 40 sondes. Doc PP/Celsius Energy

Pascal Poggi pour batimédia

Un exemple en construction neuve : la tour Odéon à Monaco

Commencée en 2009, livrée en Avril 2015, la tour Odéon offre 49 étages, plus une terrasse technique. Construite sur un terrain de 6000 m² à flanc de colline, elle offre une surface bâtie de 105 000 m².

Pascal Poggi pour batimédia

Le Groupe Marzocco, Maître d’Ouvrage de la tour Odéon à Monaco, a choisi une solution de chauffage et de rafraîchissement inhabituelle. Grâce à la sévérité des règles sismiques à Monaco, les fondations descendent à 42 m de profondeur. Entre 42 m et 30 m de profondeur, environ 17 km de sondes géothermiques ont été incorporées dans 1000 barrettes de fondations au moment de leur coulage. Doc Groupe Marzocco

Pascal Poggi pour batimédia

Lorsque la dalle du RDC a été terminée, une filiale de Vinci Energie a entrepris de récupérer les sondes en les débouchant une à une, avant de tester à la fois la circulation d’eau et l’étanchéité des sondes. Chaque sonde a été remplie d’eau. Le volume d’eau utilisé est mesuré pour vérifier s’il correspond bien au volume intérieur de la sonde. Ce qui, notamment, indique qu’elle n’est pas écrasée. Ensuite, chaque sonde a été mise sous pression. La pression est maintenue 40 minutes et sa variation est surveillée pour déceler une fuite éventuelle. Résultat : plus de 90% des sondes étaient fonctionnelles. Elles fournissent de l’eau à 15°C en hiver pour le chauffage. En été, elles dissipent une puissance de 2,1 W/(m.K), soit 600 kW au total.

Des thermo-frigo pompes Carrier

Les puissances installées dans la tour sont de 2400 kW en froid et de 3000 kW en chauffage. Mais étant donnée la hauteur de la tour, elle est divisée en deux circuits de climatisation distincts pour éviter des consommations de circulateurs excessives. Deux thermo-frigo pompes Carrier 30 HXC d’une puissance unitaire de 900 kW chaud et de 750 kW froid assurent la climatisation, le chauffage et la production d’eau chaude pour l’essentiel de la tour, à l’exception des logements plutôt luxueux au-dessus du 29ème étage. Les deux thermo-frigo pompes sont raccordées aux sondes géothermiques par un circuit en eau glycolée contenant 35% d’éthylène glycol.

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Pascal Poggi pour batimédia

Les 30 HXC sont des machines à compresseurs à vis et à condensation par eau, avec deux circuits frigorifiques différents. Leur condenseur et leur évaporateur sont des échangeurs tubulaires en tubes cuivre avec ailettes intérieures. Ces machines utilisent le R134a. Le circuit A en contient 117 kg et le circuit B 75 kg. Deux machines, deux circuits, 2 compresseurs par circuit, ce qui aboutit à 8 paliers de puissance – en 2015, l’inverter était encore rare -, avec une puissance minimale égale à seulement 14% de la puissance nominale. Doc. PP

Les débits minimaux en eau glycolée dans les sondes varient de 24,1 à 48,3 l/seconde. Par conséquent, le condenseur des pac est raccordé par un circuit eau en diamètre 8 » et en diamètre 6 » pour l’évaporateur. Ces machines produisent en même temps de l’eau chaude et de l’eau glacée. Ce qui est particulièrement intéressant pour les bâtiments ayant des besoins simultanés de chaleur et de froid, par exemple une production d’eau chaude sanitaire et une climatisation en été ou bien ECS, climatisation de certains locaux toute l’année (fitness, etc.) et chauffage des appartements en hiver, comme c’est le cas pour la tour Odéon. Lorsque les besoins de froid sont importants en été, une partie de la production de chaleur extraite du bâtiment est utilisée pour la production d’eau chaude sanitaire. Le solde surplus est dissipé dans les 17 km de sondes géothermiques. Elles sont dimensionnées pour recevoir de l’eau chaude à 40°C, la température moyenne du sol étant à 15°C toute l’année. Lorsque les sondes ne suffisent pas au refroidissement, les jours de très forte demande de climatisation, un ensemble d’aéroréfrigérants sur mesures, installés verticalement dans une gaine maçonnée sur le côté du bâtiment, se met en route et est capable d’évacuer entre 750 et 1000 kW de puissance. Enfin, les thermo-frigo pompes produisent de l’ECS à 63°C.

La ZAC de Ferney Genève Innovation

Dans le cadre d’une concession d’aménagement, la SPL Terrinnov, une structure détenue à 100% par les collectivités locales, a été missionnée par le Pays de Gex Agglo pour développer une Zone d’Aménagement Concerté (ZAC) de 65 ha aux portes de l’aéroport international de Genève.

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Amstein + Walthert

Le groupement conduit par Celsius Energy associe des co-traitants – Augsburger Géothermie SA et Auvergne Forage pour le forage géothermique – et des sous-traitants – Plantier pour l’ingénierie Structure, Ménard pour l’ingénierie Géotechnique et Nabaffa pour le terrassement, VRD – vient de remporter l’appel d’offres de la ZAC Ferney Genève Innovation, pour la conception et la réalisation de 40 000 mètres linéaires de champs de sondes géothermiques, soit le plus important projet en termes de mètres linéaires en France. Doc. Amstein + Walthert

Le réseau de la ZAC Ferney Genève Innovation a été proposé par le bureau d’études franco-suisse Amstein + Walthert. Le principe est simple : récupérer la chaleur résiduelle générée par l’accélérateur de particules du CERN, le plus puissant au monde, d’une circonférence de 27 km, pour alimenter les besoins en chaleur des bâtiments voisins via une boucle d’eau tempérée.

Les bâtiments de la ZAC puiseront pour alimenter des pompes à chaleur eau/Eau et satisfaire leurs besoins de chaleur et de rafraîchissement. Le réseau est conçu pour couvrir la totalité des besoins de chauffage. La chaleur produite durant l’été sera stockée dans le sous-sol en attendant d’être récupéré lors des mois les plus froids, cela grâce aux sondes géothermiques installées et pilotées par Celsius Energy jusqu’à 230 mètres de profondeur.

Le système assurera à terme la distribution de 20 GWh de chaud et 6 GWh de froid à la future ZAC. A terme, il permettra d’éviter annuellement l’équivalent de 5000 tonnes d’émissions de CO2 comparé à une solution de chauffage carboné.

Les aides publiques

Les aides publiques passent par le Fonds Chaleur, les CEE (Certificats d’économie d’énergie) et des appels à projets spécifiques lancés par l’Ademe.

Pour les entreprises, les collectivités territoriales et les associations, le Fonds Chaleur finance notamment :

– des études de faisabilité, en apportant une aide financière et en mettant à disposition des cahiers des charges selon les technologies utilisées : pompes à chaleur sur aquifère superficiel, champs de sondes géothermiques, géostructures énergétiques, eaux usées, eau de mer ou eaux thermales, boucle d’eau tempérée « géothermique ».

– des installation de production de chaleur et de froid à partir de géothermie de surface avec pompes à chaleur sur aquifère superficiel, sur champ de sondes géothermiques, sur géostructures énergétiques, sur échangeurs compacts géothermiques ou sur chaussées thermoactives.

– des installation de production de chaleur et de froid à partir d’une boucle tempérée géothermique

En ce qui concerne les CEE, pour le tertiaire existant, la fiche BAT-TH-113 finance, par exemple, la mise en place d’une pac eau/eau. Un document de l’Ademe synthétise toutes les aides publiques https://www.geothermies.fr/sites/default/files/inline-files/Conditions%20%C3%A9ligibilit%C3%A9%20et%20financement%20-%20installation%20g%C3%A9othermie%20de%20surface%202022%20-%20juin%202022.pdf.

Enfin, l’Ademe propose régulièrement des appels à projet. Elle vient de lancer GEOBOOST https://agirpourlatransition.ademe.fr/entreprises/aides-financieres/20231120/aap-geoboost-booster-etudes-projets-geothermie-surface/, un appel à projets ambitieux, pour accélérer les études de projets de géothermie de surface et stimuler la production de chaleur et de froid décarbonée. L’Ademe financera jusqu’à 80% du coût des études de faisabilité essentielles des projets. GEOBOOT comporte deux volets :
– Volet A : Financement d’études de faisabilité pour évaluer des dispositifs de financement spécifiques. Des modèles innovants visant à limiter voire effacer les coûts d’investissement habituellement supportés par le maître d’ouvrage, favorisant ainsi la concrétisation des projets. Cela inclut le recours à du tiers investissement, à du tiers financement, à du crédit-bail, à des prêts bonifiés, ou à la mise en place de contrats de performance énergétique.
– Volet B : Financement d’études de faisabilité groupées pour la mise en œuvre de géothermie de surface sur des bâtiments d’enseignement tels que groupes scolaires, collèges ou lycées, sur a minima trois sites différents.
Pour mener à bien son étude, le porteur de projet devra s’appuyer sur les cahiers des charges type mis à disposition par l’ADEME sur le site Agir https://agirpourlatransition.ademe.fr/entreprises/aides-financieres/2023/etude-faisabilite-geothermie-surface-aerothermie et recourir à des intervenants qualifiés RGE Études en géothermie.