Le salon ISH 2023 à Francfort doit confirmer l’énorme développement des pompes à chaleur

La dernière édition d’ISH date de 2019. Depuis, sous l’influence de la guerre en Ukraine, du changement climatique et de l’évolution règlementaire, le monde du chauffage a changé.

Pascal Poggi

ISH 2023 sera l’occasion de comprendre comment les industriels européens ont réagi au changement de paradigme énergétique depuis l’invasion de l’Ukraine.

Le salon ISH 2023 nous offre une unique perspective européenne sur la manière dont les industriels ont traduit les bouleversements des trois dernières années en choix technologiques pour leurs systèmes de chauffage, de production d’eau chaude sanitaire, de ventilation, de production et de stockage d’énergie sur site, et même les solutions d’équipement de salles de bains.
ISH réunit en effet toute l’industrie européenne, depuis l’athénien  Calpak-Cicero-Hellas et ses solutions solaires thermiques, jusqu’au suédois Nibe et ses pompes à chaleur haute température. Sans oublier la diversité des chaudières italiennes, des radiateurs italiens, des chaudières et de la cogénération allemande, ni les chaudières et pompes à chaleurs des fabricants français.

Mais tout ça, c’était avant, depuis trois ans tout a changé. Le salon ouvre lundi 13 mars et ferme vendredi 17 mars à 18 heures. Nous aurons cinq jours pour bien comprendre les solutions choisies par les industriels. En attendant, voici les tendances auxquelles nous pensons pouvoir nous attendre, raisonnablement. Nous ne sommes pas à l’abri de surprises.

Pascal Poggi

Vaillant a entrepris de réorienter ses fabrications vers la pompe à chaleur avec la construction d’une nouvelle usine en Slovaquie. Le groupe devrait cependant présenter une offre diversifiée à ISH incluant chaudières, pompes à chaleur, solaire thermique et photovoltaïque.

Formidable développement des pompes à chaleur

Vendredi 10 mars, le groupe Vaillant – en France, ça se prononce aussi Saunier-Duval – a annoncé le commissionnement de sa nouvelle mega usine de pompes à chaleur à Senica, en Slovaquie. Le groupe, qui fabrique déjà des pac en France, en Allemagne et au Royaume-Uni, confirme sa réorientation stratégique et sa transformation en industriel majeur de la thermodynamique. Avec cette nouvelle usine, le groupe Vaillant aura une capacité de production de plus de 500 000 pac par an en Europe.

Vaillant a été l’un des tout premiers fabricants à opter pour le R290 dans ses pompes à chaleur, il y a déjà 5 ans. Nous verrons quels fluides il adopte pour ses nouveaux modèles. La question des fluides est en effet essentielle et nous en avons déjà parlé de manière approfondie dans notre article consacré aux fluides frigorigènes.

Outre Vaillant, virtuellement tous les autres grands spécialistes du chauffage – le groupe Bosch avec notamment sa marque française elm leblanc, Viessmann, le groupe BDR-Thermea avec notamment les marques De Dietrich et Chappée, Wolf, Hoval et le groupe Ariston avec les marques Atag, Chaffoteaux, Elco, … – ont annoncé de nouvelles pompes à chaleur à ISH.

Pascal Poggi

A ISH, les équipementiers du monde du chauffage exposent également. Le breton Sermeta SAS, le roi du corps de chauffe en acier inoxydable, sera présent. Il sera intéressant de voir dans quelle mesure il se réinvente face au déclin des ventes de chaudières.

Pascal Poggi

Viessmann est engagé depuis plusieurs années dans l’association des pompes à chaleur et du solaire thermique et photovoltaïque. A ISH 2023, l’industriel mettra en outre en avant l’intérêt d’ajouter son stockage d’électricité modulaire en batteries Vitovolt.

Pascal Poggi

ISH est aussi une énorme exposition d’émetteurs de chaleur de toutes sortes, depuis les radiateurs design italiens, jusqu’aux invisibles plafonds et planchers chauffants-rafraîchissant d’Europe du Nord. Cette année, plus encore que d’habitude, l’accent devrait être mis sur le pilotage terminal des émetteurs pour ne pas consommer plus d’énergie que nécessaire. Avec sans doute plus de robinets de chauffage motorisés et pilotés par des solutions de communication sans fil, dont ZigBee Green Power.

Energies renouvelables et pompes à chaleur

La plupart de ces marques associent désormais pompes à chaleur, solaire thermique, solaire photovoltaïque et stockage d’énergie sous forme de chaleur ou d’électricité en batteries pour proposer des solutions capables d’assurer une quasi-autonomie énergétique en maison individuelle, petit collectif et petit tertiaire. Le pionnier du genre est le berlinois HPS (Home Power Solutions) dont les systèmes Picea rassembles des panneaux photovoltaïques, un électrolyseur pour la production d’hydrogène sur site, un stockage d’hydrogène, une pile à combustible pour la production d’électricité et de chaleur, plus curieusement un groupe de ventilation double flux avec récupération de chaleur. Picea assure une autonomie énergétique à une maison bien isolée jusqu’à une surface de 140 m². A ISH, HPS devrait présenter ses nouvelles solutions plus puissantes pour le tertiaire et le collectif.

D’autres marques, dont Viessmann, mais aussi le groupe Bosch, plus Samsung, Haier, Midea et d’autres sont clairement engagés dans la même direction.

Le stockage d’électricité entre à ISH pour la première fois et on devrait voir au moins une petite douzaine d’offres, reposant sur différentes technologies. Le suisse Prolux Solutions AG a même remporté un prix dans la compétition « Design Plus » pour son stockage d’électricité Prolux STORAC qui utilise une batterie redox à recirculation, sans lithium. C’est une batterie au vanadium qui stocke l’électricité par transformation chimique d’une solution électrolytique. Prolux Solutions indique une durée de vie de 20 ans pour son stockage, avec une disponibilité de 95% de la capacité de stockage au bout de la 20ème année.

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Pascal Poggi

Le groupe Vaillant a adopté le R290 depuis 5 ans pour ses nouvelles pompes à chaleur. Il devrait redoubler dans cette direction, voire proposer des pompes à chaleur plus puissance au R290 pour le tertiaire et le collectif.

L’association des pompes à chaleur et du solaire thermique et/ou photovoltaïque sera sans doute l’une des principales directions de développement à ISH, avec des technologies très diverses dont nous dresserons l’inventaire dans les jours à venir, au fur et à mesure de notre exploration du salon.

Pascal Poggi

Naturellement, nous attendons un fort développement du R290 en pompes à chaleur monobloc air/eau. Même les fabricants asiatiques, accro au R32, pourraient dévoiler de nouvelles machines au R290 à ISH.

Pascal Poggi

ISH sera aussi le lieu de l’annonce de modèles de pompes à chaleur réversibles plus puissants pour le tertiaire et le collectif, à la fois en version air/eau et en version eau/eau ou eau glycolée/eau pour la géothermie.

Pascal Poggi

Les pompes à chaleur utilisant des HFO permettent d’atteindre des températures de départ d’eau élevées. Ce qui est intéressant en rénovation tertiaire et en immeubles collectifs. Mais les HFO sont mis en danger par la réforme du règlement européen REACH. Est-ce que les constructeurs vont persister dans ce choix ou montreront-ils déjà d’autres approches technologiques ?

Et la cogénération ?

Traditionnellement sur le marché allemand, on trouvait de nombreuses solutions de cogénération de petite puissance, de 30 à 500 kWth, parce que la différence de prix importante entre le gaz, russe et peu cher, et l’électricité du réseau, deux fois plus cher qu’en France, rendait la production simultanée de chaleur et d’électricité sur site parfaitement rentable. Mais voilà, depuis l’invasion de l’Ukraine, le prix du gaz s’est envolé et a détruit cette rentabilité.

Des industriels du bois relèvent le défi cependant et Froling devrait montrer à ISH une nouvelle version de son système de cogénération fonctionnant au bois.

Les industriels de la chaudière n’ont pas abandonné ce marché. Mais, pour l’avenir, à une échéance encore très peu claire, ils se tournent plutôt vers l’hydrogène, soit en remplacement du gaz naturel, soit en mélange avec le gaz naturel et des biogaz. Du coup, nous devrions voir à ISH 2023 la multiplication de solution de gestion de combustion dans les chaudières, pour permettre l’ajustement des paramètres de combustion – notamment le volume d’air comburant – à la volée en fonction de la nature des gaz qui parviennent au générateur. Viessmann, BDR Thermea, Bosch et Vaillant devraient proposer de tels équipements.

Pascal Poggi

Est-ce que la cogénération gaz a vécu ? Les prix du gaz naturel et de l’électricité sont désormais trop proches pour garantir une rentabilité économique. A ISH, nous verrons des offres de cogénération bois et, peut-être, une renaissance des piles à combustibles qui sont une solution der cogénération à partir d’hydrogène.

Plusieurs industriels, dont Bosch Thermotechnologie, sont désormais en mesure de proposer des chaudières de plusieurs MW de puissance fonctionnant entièrement à base d’hydrogène ou bien à partir d’un mélange gaz/hydrogène dans des proportions variables. Doc. PP

La production d’eau chaude évolue peu

Côté production d’Eau Chaude Sanitaire (ECS), les progrès ne sont pas bien nets. Nous verrons sans doute encore plus de chauffe-eau thermodynamiques et de pompes à chaleur triple service (chauffage, rafraîchissement et ECS) avec peut-être une systématisation de la récupération de chaleur en mode rafraîchissement pour produire l’ECS gratuitement ou presque. Les fabricants asiatiques de pompes à chaleur dominent dans cette technologie.

Naturellement, le solaire thermique et photovoltaïque seront appelés à la rescousse, de plus en plus souvent de manière simultanée : le solaire thermique pour préchauffer l’ECS, le photovoltaïque en autoconsommation directe pour faire fonctionner les ballons thermodynamiques et les pompes à chaleur. Nous n’attendons pas de révolution, mais nous aimerions tellement avoir tort !

Pascal Poggi

L’Allemagne est le pays de l’eau sanitaire électrique directe. La structure de leurs offres de contrat d’alimentation en électricité avec des abonnements peu coûteux et quasi-indépendants de la puissance souscrite y est favorable. L’autoconsommation photovoltaïque donne à cette technologie une nouvelle pertinence. En France, cette technologie est presque exclusivement utilisée pour la production d’ECS dans les blocs sanitaires des immeubles de bureaux.

Pascal Poggi

Wolf présentera à ISH ses nouvelles offres de pac triple service, sans doute au R290. Le ballon de stockage, comme d’habitude, sera conçu pour recevoir un circuit primaire solaire thermique, en plus du circuit de réchauffage issu de la pac.

A ISH, la ventilation est systématiquement double flux à récupération de chaleur

La France et l’Allemagne ont des partis-pris opposés en ce qui concerne la ventilation des locaux. La France et l’Allemagne visent une bonne Qualité d’Air Intérieur (QAI). Mais les débits d’air réglementaires en France sont plus faibles que partout ailleurs en Europe et la réglementation thermique française considère la ventilation comme une perte de chaleur. C’est pour cela que dans la RE2020, installer deux salles de bains dans un logement est pénalisant, puisque cela ajoute des bouches d’extraction d’air. En Allemagne, les débits réglementaires sont plus importants et les constructeurs ont très tôt décidé de généraliser le double flux avec récupération de chaleur pour préchauffer l’air neuf entrant.

Pascal Poggi

ISH mettra en scène des solutions à peine présentes en France de ventilation double flux à récupération de chaleur pièce par pièce pour la rénovation.

Pour faciliter leur entretien et les changements de filtres, les groupes double flux allemands sont plutôt muraux et facilement accessibles.

Sanitaire esthétique et technique

Avec le déclin du sanitaire à La Mostra Convegno en Italie, ISH est devenu probablement le plus important salon du sanitaire en Europe. Nous y verrons à la fois les dernières tendances esthétiques des appareils sanitaires et de la robinetterie. Ainsi que toutes les nouvelles solutions pour le sanitaire technique : canalisations, sertissages, évacuations, bâti-supports, …

Pascal Poggi

L’innovation esthétique en sanitaire est difficile. Régulièrement les industriels mettent en avant des appareils en couleur, mais année après année, ils vendent plus de 95% de blanc. L’espace contraint des salles de bains ruine le discours rabâché sur la salle de bains à vivre. Personne ne dispose d’une salle de bains de plus de 20 m² en collectif, ni dans la plupart des maisons individuelles. Mais nous verrons peut-être à ISH des efforts inventifs pour valoriser au mieux les petites surfaces de nos salles de bains.

Les innovations seront sans doute nettement plus nombreuses en ce qui concerne le sanitaire technique, avec une multiplication des canalisation multicouches et des solutions de raccordement, un effort pour remplacer le PVC en évacuation, etc.