Mars 2023 est le mois du Passif

Deux manifestations – le congrès Passihaus annuel à Wiesbaden, Passi’Bat à Nogent-sur-Marne – offrent l’occasion de faire un point sur les progrès de la construction passive en France et en Europe.

Pascal Poggi pour Batimédia

Ce bâtiment passif de 40 logements sociaux, construit à Rennes en 2017 pour Espacil Habitat, affiche des besoins de chauffage de seulement 12 kWh/m².an et une puissance de chauffage installée de 9 W/m².

Qu’est ce que la construction passive exactement ? L’idée a été cristallisée par le Professeur Wolfgand Feist à la fin des années 1980. En 1992, il a livré les quatre premières maisons passives, à Darmstadt en Allemagne. Avec d’autres pionniers, il s’était rendu compte qu’un tiers de l’énergie fossile mise sur le marché durant les années 80, servait au chauffage des locaux et notamment des logements. Il a tout de suite pensé que l’on pouvait faire beaucoup mieux, si l’on prenait le problème scientifiquement pour concevoir les systèmes de production de chaleur, de distribution de chaleur, les fenêtres, l’isolation thermique du bâtiment et sa ventilation. Il vit dans l’une de ces quatre maisons depuis sa construction.

Définition du standard Passivhaus

Aujourd’hui, le standard Passivhaus est géré par le Passivhaus Institut (PHI) de Darmstadt https://passivehouse.com/ . Le PHI définit les critères d’un logement passif neuf, ainsi que des bâtiments non-résidentiels neufs, de la manière suivante :

– un besoin de chauffage annuel < 15 kWh/m².an, ou bien une puissance de chauffage < 10 W/m². Ce qui signifie qu’un bâtiment passif a rarement besoin d’une solution de chauffage active (chaudière, radiateurs, …). Même chose pour les besoins de rafraîchissement + déshumidification annuels : < 15 kWh/m².an, ou bien une puissance de rafraîchissement < 10 W/m².

– une excellente étanchéité de l’enveloppe : n50 ≤ 0,6 h-1

– confort d’été : moins de 10% d’heures de surchauffe annuelle, la surchauffe étant définie comme une température ambiante intérieure > 25°C.

– des besoins d’énergie primaire totaux annuels, électroménager et éclairage inclus, < 120 KWh/m².an ou bien une demande annuelle en énergie primaire renouvelable, notée Ep-R inférieure à 60 kWh/m².an pour le niveau Passivhaus Classic.

Depuis 2015, deux autres niveaux ont été introduits dans le standard Passivhaus. Le niveau Passiv Plus avec une demande annuelle en Ep-R ≤ 45 kWh/m².an et production d’énergie renouvelable sur site ≥ 60 kWh/m².an. La surface prise en compte pour la production d’énergie renouvelable est la surface de l’emprise au sol du bâtiment. Le niveau Passiv Premium, avec une demande annuelle en Ep-R ≤ 30 kWh/m².an et production d’énergie renouvelable sur site ≥ 120 kWh/m².an.

Pascal Poggi pour Batimédia

Ce bâtiment passif, conçu par le BE Equipe Ingénierie, a été livré à Limoges en 2016 à Limoge Habitat, un bailleur social, pour un montant de travaux de 1 546 000 € HT, soit un ratio de coût de construction de 1250 € HT/m².

Pascal Poggi pour Batimédia
Pascal Poggi pour Batimédia

Tugdual Allain, à gauche, gérant du BE Equipe Ingénierie, s’est spécialisé dans le passif et dans le détournement de produits industriels pour minimiser les coût de construction, tout en atteignant des performances thermiques très élevées.

Comment atteindre le niveau passif ?

Ces quatre conditions constituent la définition d’un logement passif. Pour parvenir à les respecter, le PHI recommande les moyens techniques suivants :

– les déperditions thermiques des parois opaques, la valeur Uparoi doit être < 0,15 W/m².K. Ce qui signifie notamment que tous les ponts thermiques doivent être traités. Le plus simple est l’isolation thermique par l’extérieure, qui, par nature, minimise le nombre de ponts thermiques restant à traiter.

– les fenêtres, portes-fenêtres, verrières, …, bref toutes les parois vitrées, doivent afficher une valeur Uw < 0,8 W/m².K avec un facteur g du vitrage de l’ordre de 50%

– la surface totale des parois vitrées orientées vers l’Est ou vers l’Ouest et celles dont l’inclinaison est inférieure à 75° par rapport à l’horizontale (les verrières et autres fenêtres de toit) ne doivent pas dépasser plus de 15% de la surface habitable, pas plus de 25% dans le cas des parois translucides orientées vers le sud. Au-delà, ces fenêtres doivent être équipées de protections solaires offrant un facteur de protection d’au moins 75%.

– Toutes les pièces doivent être ventilées en permanence. Le système de ventilation le plus approprié est une ventilation double flux avec récupération de chaleur, dont le taux de récupération de chaleur est > 75%.

Outre le passif en construction neuve, il existe un standard, baptisé EnerPHit pour atteindre le niveau passif en rénovation. Nous le décrirons dans un prochain article.

Pascal Poggi pour Batimédia

La solution de ventilation normale en construction passive est le double flux avec un taux de récupération de chaleur > 75%.

L’outil PHPP et les diverses qualification des acteurs du passif

Un bâtiment passif se calcule à l’aide du PHPP (PassivHaus Project Packet), un applicatif sous Excel, dont les équations reposent sur la physique du bâtiment. Sa version 9.6 en français est vendue 390 € HT sur le site de La Maison Passive https://www.lamaisonpassive.fr/produit/phpp/. Un autre logiciel, DesignPH, constitue un pont entre une représentation 3D d’un bâtiment sous SketchUp et le calcul dans le PHPP. Le PHPP récupère directement les données de la géométrie du bâtiment dans DesignPH, ce qui accélère et fiabilise leur saisie. Toute modification dans DesignPH est immédiatement reconnue et recalculée par le PHPP. DesignPH coûte 420 € HT sur le site de La Maison Passive.

La Maison Passive France organise également des formations pour entreprises, architectes, Bureaux d’Etude et même pour Maîtres d’Ouvrage. Le diplôme international CEPH (Concepteur européen de bâtiments passifs), géré par le PHI et obtenu après réussite à un examen, permet l’inscription des titulaires dans la base de données des concepteurs de bâtiments passifs. Cette qualification est acquise pour 5 ans et doit être renouvelée à l’issue de cette période. La qualification supplémentaires CEPH+ permet à ses titulaires de se lancer dans la conception de bâtiments tertiaires passifs et dans la rénovation passive.

La qualification CEPH-A est destinée à former les artisans à la construction de bâtiments passifs. Enfin, la formation CEPH-D est destinée aux décideurs, c’est-à-dire aux maîtres d’ouvrage qui veulent se lancer dans le passif.

Pascal Poggi pour Batimédia – Stéphane Cochet

Stéphane Cochet, architecte DPLG et CEPH (Concepteur Européen PassivHaus), a conçu ce bâtiment passif à Montreuil en ossature bois. Le passif se prête à tout : construction en béton, en bois de diverses manières, en acier, en solutions mixtes, …

Les produits certifiés par le PHI

Le Passivhaus Institut de Darmstadt a créé une certification de produits passifs. La liste et les caractéristiques des produits certifiés est accessible en anglais, en allemand, en polonais et en chinois sur le site du PHI https://database.passivehouse.com/en/components/. La base de données comporte 28 rubriques qui vont des fenêtres aux pompes à chaleur, en passant par diverses solutions de ventilation, les systèmes constructifs, les rupteurs de ponts thermiques pour balcon, … Dans chaque catégorie, le PHI a mis au point une série de performances minimales et de critères de test.

Dans le cas des fenêtres, par exemple, les niveaux de performance exigés diffèrent selon la zone climatique visée : arctique, froid, tempéré-frais, tempéré-chaud et chaud. Le produit le plus performant, en termes de déperditions thermiques, est la fenêtre ENERsign arctis du fabricant allemand ENERsign. C’est une fenêtre PVC quadruple vitrage – si, si : quadruple – destinée au climat arctique, dont la valeur Uw est égale à 0,42 W/m².K. Les fenêtres les moins performantes affichent des valeurs Uw = 1,2 W/m².K et sont destinées aux climats chauds. Une bonne centaine de marques européennes ont fait certifier des fenêtres au standard Passif, dont Aluplast, Deceuninck, l’espagnol Cortizo, Heroal, Jansen AG, Kawneer, profine, RAICO, Rehau, REYNAERS, Schüco, Wicona (Hydro Building Systems Germany). On trouve même plusieurs marques de fenêtres françaises dans cette liste : Fenêtres Franc-comtoises Menuiserie Thebaud avec des fenêtres bois et bois/alu, Menuiserie André en bois/alu avec des Uw = 0,8 W/m².K, Menuiserie Bader en bois et bois/alu, Minco en bois alu avec Uw = 0,78 W/m².K et Optiwin Bieber.

Les produits certifiés passifs sont avantagés dans un calcul PHPP, ou plus exactement les produits non-certifiés sont un peu pénalisés.

L’ensemble des données mondiales disponibles sur les constructions passives sont regroupées sur le site Passipedia https://passipedia.org/ en anglais seulement. Passipedia a même une chaîne YouTube https://www.youtube.com/channel/UCrO62YaHJbtZgZXk-m57B-g.

Pascal Poggi pour Batimédia – ABG

A Francfort sur le Main, en Allemagne, ce bâtiment de logements collectifs est non-seulement passif, mais aussi à énergie positive : besoins d’énergie très réduits grâce à sa construction passive, production d’électricité photovoltaïque sur site grâce aux panneaux PV sur le toit et sur la façade, stockage d’électricité en batterie. Le coût d’exploitation d’un logement de 100 m² est inférieur à 60 € TTC/mois.

Les bâtiments certifiés passifs

Selon le PHI, il existe environ 100 000 bâtiments passifs à travers le monde. La grande majorité se trouve en Europe, mais le standard passif se développe rapidement en Amérique du Nord et en Chine. La base de données « Passive House Data Base » https://passivehouse-database.org/index.php?lang=en#certSearch contient 5311 bâtiments. Les bâtiments passifs situés en France et répertoriés dans cette base de données se trouvent à partir du bas de la page 79.

On y trouve notamment un bâtiment industriel de 2984 m², livré en 2020 à Quimper, dont le besoin de chauffage ne dépasse pas 9 kWh/m².an. Le siège du bailleur social Habitat 76 à Rouen, un bâtiment de bureaux R+9 de 5215 m², livré en 2020, affiche pour sa part un besoin de chauffage de 12 kWh/m².an et une demande d’énergie totale non-renouvelable de 126 kWh/m².an, tous usages confondus.