200 000 rénovations d’ampleur seront, peut-être, financées en 2024

Pascal Poggi pour Batimédia

Depuis le 1er janvier 2024, MaPrimeRénov’ connaît trois déclinaisons : le financement de de la rénovation d’ampleur, la rénovation des parties communes en copropriétés avec MaPrimeRénov’ Copropriétés et le financement de « gestes de rénovation », par opposition à la rénovation d’ampleur. Dans cet article, nous décortiquons la rénovation d’ampleur. Doc. PP

La rénovation d’ampleur s’appelait auparavant « rénovation globale ». La rénovation globale était assortie de la fiche d’opération standardisée BAR-TH-164 « Rénovation globale d’une maison individuelle (France métropolitaine) ». Cette fiche est abrogée à compter du 1er janvier 2024. Elle est remplacée par deux nouvelles fiches d’opérations standardisées, productrice de CEE :

– BAR-TH-174 « Rénovation d’ampleur d’une maison individuelle (France métropolitaine) » (https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/BAR-TH-174%20R%C3%A9novation%20d%27ampleur%20d%27une%20maison%20individuelle%20%28France%20m%C3%A9tropolitaine%29.pdf),

– BAR-TH-175 « Rénovation d’ampleur d’un appartement (France métropolitaine) » (https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/BAR-TH-175%20R%C3%A9novation%20d%27ampleur%20d%27un%20appartement%20%28France%20m%C3%A9tropolitaine%29.pdf).

La rénovation d’ampleur est également accompagnée d’un « coup de pouce rénovation d’ampleur » qui multiplie par deux les CEE générés par ces deux nouvelles fiches, pour tous les ménages, sans conditions de ressources.

Les deux fiches et le coup de pouce rénovation d’ampleur s’appliquent aux opérations engagées à compter du 1er janvier 2024 et sont détaillés dans notre article précédent portant sur les nouveautés dans les CEE (https://batimedianews.com/live/index.php/2024/01/09/importantes-evolutions-des-cee-certificats-deconomie-denergie-en-ce-debut-2024/). Dans le même article, nous expliquons que la rénovation d’ampleur écarte les solutions de chauffage et de production d’eau chaude sanitaire au gaz et au fioul.

Pascal Poggi pour Batimédia

Une rénovation d’ampleur fait sauter au moins deux classes au sens du DPE au logement rénové. Doc. PP

Qu’est-ce qu’une rénovation d’ampleur ?

Pour décrire les modalités de la rénovation d’ampleur, nous nous basons sur l’arrêté du 19 décembre 2023 « créant de nouvelles dispositions relatives à la Rénovation d’ampleur des maisons individuelles et des appartements dans le cadre du dispositif des certificats d’économies d’énergie » (https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000048680133), sur le « Guide des aides financières 2024 » (https://www.anah.gouv.fr/anatheque/le-guide-des-aides-financieres-2024) publié par l’ANAH le 28 décembre 2023 et sur des entretiens avec trois délégataires de CEE, dont nous tairons les noms parce que, comme nous, ils avouent ne pas avoir encore tout compris.

Cependant, tout le monde est d’accord sur neuf points.

Premièrement, une rénovation d’ampleur est définie comme un ensemble de travaux qui fait gagner au logement, maison individuelle ou appartement, au moins deux classes au sens du DPE.

Deuxièmement point qui ne prête pas à contestation, seule l’ANAH gère le financement des rénovations d’ampleur à travers MaPrimeRénov’ et les CEE générés par les fiches BAR-TH-174 et BAR-TH-175, pour six types précis de bénéficiaires :

– les propriétaires occupants,

– les propriétaires bailleurs aux revenus intermédiaires et supérieurs à partir du 1er janvier et l’ensemble des propriétaires bailleurs à partir du 1er juillet,

– les usufruitiers,

– les titulaires (occupants et bailleurs) d’un droit réel conférant l’usage du bien,

– les preneurs (occupants et bailleurs) d’un bail emphytéotique ou d’un bail à construction,

– les propriétaires en indivision si l’ensemble des propriétaires indivisaires ont signé l’attestation sur l’honneur qui désigne le demandeur pour porter les travaux au nom de l’indivision.

Les agrégateurs de CEE sont donc exclus des six cas ci-dessus, mais, en principe, peuvent continuer de mobiliser les CEE des deux nouvelles fiches pour d’autres bénéficiaires, notamment les personnes morales comme les gestionnaires de logements sociaux, les compagnies d’assurance, etc.

Troisièmement, à compter du 1er janvier 2024, une rénovation d’ampleur est obligatoirement accompagnée par un MAR (MonAccompagnateurRénov’), d’ailleurs l’Anah désigne aussi la rénovation d’ampleur comme le « parcours accompagné ».

Pascal Poggi pour Batimédia

Quatrièmement, la rénovation d’ampleur est ouverte à tous les logements. De plus, à compter du 1er juillet 2024, les logements classés F ou G au sens du DPE n’auront plus accès à la rénovation par geste et seront obligatoirement dirigés vers la rénovation d’ampleur. Doc. PP

Cinquième point incontestable, la rénovation d’ampleur des logements classés E, F ou G au sens du DPE peut être effectuée en deux étapes d’une durée totale maximale de 5 ans. Mais, à la fin de la rénovation d’ampleur, la classe C au moins doit être atteinte pour les logements initialement classés F ou G, la classe B doit être atteinte pour les logements initialement E.

Sixièmement, une rénovation d’ampleur reçoit une bonification de 10% si elle aboutit à la sortie du statut de passoire thermique, passant de F ou G à au moins E ou D.

Septièmement, le montant des aidés liées à la rénovation d’ampleur dépend du nombre de saut de classes après rénovation et des revenus des ménages, mais il demeure toujours un reste à charge, même pour les ménages aux revenus très modestes et même après bonification de 10% pour sortie de passoire.

Huitième point sur lequel tout le monde s’accorde, l’aide MaPrimeRénov’ pour une rénovation d’ampleur est soumise à des plafonds de dépenses éligible – 40 000 € HT pour deux sauts de classes, 55 000 € HT pour trois sauts, 70 000 € HT pour 4 sauts – et à un système d’écrêtement sur le montant TTC des travaux.

Par exemple, un ménage très modeste dont le logement réalise 4 sauts de classe au sens de DPE et sort du statut de passoire thermique peut prétendre à 80% de 70 000 € HT pour 4 sauts de classe + 10% de 70 000 € HT pour sortie de passoire thermique, sans écrêtement, soit 56 000 € HT.

Neuvième et dernier point faisant consensus : le financement de l’intervention du MAR est plafonné à 2000 € TTC. Ce montant n’entre pas dans le plafond de dépenses éligible. La demande en est faite en même temps que celle de MaPrimeRénov’ pour la rénovation d’ampleur. En fait, un poil avant, puisque dans le dossier doit figurer l’identité du MAR retenu. Les ménages très modestes reçoivent 100% de ces 2000 € TTC, les ménages au revenus modestes reçoivent 80% de ce montant, 40% pour les ménages aux revenus intermédiaires et 20% pour les ménages aux revenus supérieurs.

Les MonAccompagnateurRénov’ (MAR) sont trop peu nombreux

Le MAR doit au minimum deux visites au ménage : une avant travaux, une autre à livraison du chantier. Ce n’est pas grand-chose, mais mardi 9 janvier 2024, le site France Rénov qui rassemble les coordonnées des MAR (https://france-renov.gouv.fr/annuaires-professionnels/mon-accompagnateur-renov#annuaire-mon-accompagnateur-renov) en recensait 151, alors que l’ANAH en annonce 2000 au 1er janvier dans son guide sur les aides mentionné plus haut.

Pour la ville de Metz (57800), le site France Rénov indique 8 MAR, mais seulement 3 pour Limoges et 3 pour Marseille, par exemple. Les trois mêmes entreprises – Soliha, Ithaque et Navolm Expertise – possèdent de nombreuses implantations et reviennent à pratiquement chaque recherche.

Pascal Poggi pour Batimédia

Si on divise 200 000 rénovations d’ampleur – l’objectif affiché pour 2024 – par 151 MAR, ça fait tout de même 1324 chantiers à accompagner pour chaque MAR. Même si l’on retient le nombre de 2000 MAR annoncés par l’ANAH, nous en sommes à 100 chantiers par an et par MAR. Ce qui est parfaitement irréaliste. Le faible nombre de MAR pour l’instant, est peut-être lié à leur rémunération : 2000 € TTC, soit 1666,7 € HT, moins pratiquement 50% de charges, il reste environ 830 €. Doc. PP

D’autres points de cette réforme de MaPrimeRénov’ 2024 semblent obscurs.

L’ANAH annonce, par exemple, dans son guide 2024 que la rénovation d’ampleur est incompatible avec les CEE. A quoi servent les deux fiches CEE spécialement créées, sachant que l’ANAH a le monopole sur la rénovation d’ampleur ? Peut-être veulent-ils dire que la rénovation d’ampleur n’est pas cumulable avec les autres fiches CEE et les autres coups de pouce, comme, par exemple, la prime Coup de pouce Thermostat avec régulation performante versée en cas d’installation d’un thermostat programmable pour votre chauffage individuel ? Ce point n’est pas clair, pour l’instant.

DPE ET Audit énergétique

Un point est particulièrement confus en ce qui concerne la rénovation d’ampleur : pour présenter un dossier de rénovation d’ampleur à l’ANAH, il faut connaître la classe de départ du logement au sens du DPE pour vérifier si deux sauts de classe sont bien effectués à la fin de la rénovation d’ampleur. Il faut donc aussi un DPE en fin de travaux. Ou pas. Effy, l’agrégateur de CEE a, par exemple compris que « tous les logements peuvent rentrer dans le parcours qui finance les rénovations d’ampleur, même si la classe énergétique n’est pas connue » au départ. En revanche, tout le monde semble d’accord sur le fait qu’une rénovation d’ampleur débute par un audit énergétique. Lors de son intervention, un MAR doit obligatoirement réaliser cet audit énergétique réglementaire. La méthode de l’audit énergétique est, pour l’instant, différente de la méthode retenue pour le DPE. La méthode applicable à l’audit énergétique réglementaire, selon l’ANAH, « est en cours d’unification ». La méthode unifiée deviendra obligatoire à compter du 1er avril. On peut espérer, mais rien n’est jamais sûr, que la méthode de l’audit énergétique et la méthode du DPE seront alors identiques.

Pour le moment, la mise en vente d’un logement classé D, E, F ou G par le DPE, doit s’accompagner d’un audit énergétique règlementaire. Il a été institué par la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ses effets a été promulguée et publiée au Journal officiel le 24 août 2021. L’arrêté du 6 décembre 2023 « modifiant l’arrêté du 4 mai 2022 définissant pour la France métropolitaine le contenu de l’audit énergétique réglementaire prévu par l’article L. 126-28-1 du code de la construction et de l’habitation » (https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000048729661) modifie le contenu de l’audit énergétique : il devra à compter du 1er avril 2024, proposer au moins deux scénarios de travaux qui permettront de réaliser au moins deux sauts de classe et passer par le traitement d’au moins deux postes d’isolation thermique dans le logement. L’audit énergétique mentionnera les caractéristiques thermiques des matériaux proposés pour l’isolation thermique.

Pascal Poggi pour Batimédia

Un autre point n’est pas parfaitement clair en ce qui concerne MaPrimeRénov’ rénovation d’ampleur. Celle-ci prend désormais en compte le confort d’été et peut financer des protections solaires extérieures, des brasseurs d’air et même, selon Effy, des pompes à chaleur air/air réversibles. Sauf que les pompes à chaleur air/air ne figurent pas dans la liste des matériels pris en compte par MaPrimeRénov par geste. Elles seraient donc finançables seulement dans le cadre de la rénovation d’ampleur. Doc. PP

Voilà, tout n’est pas encore parfaitement limpide en ce qui concerne la rénovation d’ampleur. Notre prochain article portera sur les copropriétés. Nous tenterons de comprendre MaPrimeRénov’ Copropriétés et les autres financements possibles en copropriétés. Puis, nous nous attaquerons à la rénovation par geste, ou ce qu’il en reste.